Accéder au contenu principal

Fusions et frictions

mairie
Mairie de Serres-Castet dans les Pyrénées-Atlantiques. Photo Marcel Roblin (Wikipedia)


Depuis hier et le dépôt des listes pour le second tour des élections municipales, qui se tiendra le 28 juin, la France retrouve le fil de sa vie démocratique brutalement interrompu par le confinement après un premier tour que d’aucuns – a posteriori – regrettent qu’il ait été organisé. Ce retour du débat politique reste une bonne chose car la démocratie locale ne pouvait être confinée plus longtemps, ne serait-ce que pour que les collectivités puissent lancer d’indispensables chantiers.

Ce très long entre-deux tours – qui aurait d’ailleurs pu ne jamais finir si les élections avaient été entièrement reportées pour toutes les communes – a donné lieu à de multiples tractations, des mains tendues puis refusées, des coups de chaud et des coups de mou, bref toute une cuisine politique, une tambouille d’appareils nécessaire mais qui a tendance à agacer les Français. Sans préjuger des résultats finaux, la constitution des listes de second tour a aussi donné une bonne photographie du paysage politique, à deux ans de la course vers l’Elysée...

Laminés par la présidentielle de 2017, la droite et la gauche semblent – enfin – sortir la tête de l’eau. Les Républicains comme le Parti socialiste redeviennent audibles, forts de leur ancrage local, du bilan de leurs maires sortants – deux solides bases qui font cruellement défaut à La République en Marche – mais aussi de leur action pour gérer la crise du coronavirus. À droite comme à gauche, on espère ainsi conforter ses bastions voire conquérir quelques villes.

Mais à l’heure de nouer les alliances du second tour, droite et gauche ont dû prendre en compte la poussée des écologistes. Portés par leur score aux Européennes, mais aussi par la préoccupation des Français de plus en plus aiguë pour les questions environnementales, les Verts entendent bien transformer enfin dans les urnes municipales une situation qui est à leur avantage, et se poser autant que faire se peut en arbitres. Ainsi, une ligne de fracture s’est dessinée : d’un côté des alliances entre les Verts et leurs anciens partenaires de la gauche plurielle, en dépit de quelques exceptions comme à Lille, Strasbourg ou Toulouse où les écologistes ont trop fait monter les enchères ; et de l’autre côté, un front du refus, porté par la droite, qui redoute de voir arriver aux commandes des villes des majorités vertes-rouges radicales adeptes de décroissance et d’ "écologie punitive".

Dans cette mécanique, le Rassemblement national comme La République en Marche – les deux premiers des Européennes – ont raté le coche. Hormis Perpignan, le RN a revu à la baisse ses ambitions. De son côté, LREM, dont la stratégie d’alliance au premier tour est apparue incohérente, semble perdue. Après un premier tour catastrophique, le parti présidentiel, qui rêvait de s’enraciner avec les municipales, se retrouve en porte-à-faux sur la forme et sur le fond. Sur la forme, alors qu’elle voulait incarner le dépassement politique "et de droite et de gauche", LREM n’est apparue que comme le supplétif de majorités sortantes de droite, dès le premier tour comme à Toulouse ou pour le second à Bordeaux ou à Lyon. Sur le fond, le parti se retrouve embarqué dans des listes dont le discours est souvent aux antipodes de celui que veut tenir Emmanuel Macron par exemple sur l’environnement… Réagissant à cette stratégie illisible, Stéphane Séjourné, ex-conseiller du Président, a estimé qu’il préférait "perdre une élection" que sceller des alliances avec "une droite rétrograde, à l’opposé de nos valeurs."

Envisager de perdre une élection, sans doute le plus difficile pour un parti qui n’a que trois ans d’existence, mais une leçon politique qui vaut pour tout le monde.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 3 juin 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a