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Irréconciliables

ours


La présence de l’ours dans les Pyrénées ? Sans doute une bataille sans fin entre les partisans de la présence des plantigrades et les éleveurs excédés par les prédations. Deux camps irréconciliables qui se font face sans se comprendre ou si peu. Vingt-quatre ans après l’arrivée de Ziva dans les Pyrénées, le dossier ours est donc toujours aussi clivant et aucun des gouvernements qui se sont succédé n’a su mettre en place les conditions d’un dialogue fructueux pour résoudre cette aporie. La cohabitation entre l’homme et l’ours est pourtant réalisable : la mission d’inspection des ministères de l’Agriculture et de l’Écologie avait rendu un rapport en ce sens en mars 2019, et l’exemple d’une cohabitation réussie existe bien en Slovénie. Mais en France, les Pyrénées restent un champ de bataille au sens figuré comme au sens littéral avec la mort par balle d’un ours découvert en Ariège mardi.

Deux logiques s’affrontent avec chacune sa légitimité. D’un côté donc, les partisans de l’ours. Caricaturés en bobos parisiens déconnectés – ce qu’ils ne sont évidemment pas tous puisque beaucoup vivent dans les Pyrénées de longue date – ils défendent la préservation de la biodiversité, un trésor pour l’humanité que la France s’est d’ailleurs engagée à défendre. De l’autre côté, des éleveurs, eux aussi caricaturés en butors butés incapables d’évoluer – ce qu’ils ne sont évidemment pas tous, là aussi – qui veulent pourtant simplement vivre dans ces Pyrénées en élevant leurs bêtes dans la nature généreuse de leurs montagnes.

Tous les gouvernements ont essayé de tisser le dialogue entre ces deux communautés qui partagent pourtant chacune à leur manière l’amour des Pyrénées. Et tous les gouvernements ont échoué : un nouveau lâcher d’ours pour conforter la population d’ursidés et c’est le tollé chez les éleveurs ; un moratoire pour permettre aux éleveurs de souffler face aux prédations et c’est la bronca dans le camp d’en face. Spécialiste du " en même temps ", Emmanuel Macron a promis en janvier dernier de renoncer à toute nouvelle réintroduction après un discret double lâché fin 2018. La mort d’un ours rouvre donc un dossier où la voie du compromis n’a toujours pas été trouvée en un quart de siècle. Il serait sans doute temps que les hommes de bonne volonté de part et d’autre se retrouvent pour sortir de l’impasse.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 11 juin 2020)

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