Après plusieurs semaines de confinement – 55 jours en France – pour endiguer la propagation du coronavirus meurtrier, la situation s’améliore peu à peu et la perspective de voir la fin de l’épidémie se rapproche enfin. Les Européens, dont beaucoup ont difficilement vécu ces assignations à résidence, veulent désormais – c’est bien naturel – renouer avec la vie d’avant et, à l’approche de l’été, penser aux vacances qui auront cette année un double mérite. D’abord soulager autant que faire se peut, en famille, les épreuves psychologiques du confinement alors que la rentrée s’annonce difficile avec la récession qui menace. Ensuite, soutenir l’un des secteurs les plus impactés par l’épidémie : le tourisme.
Alors que l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit une réduction de 20 % à 30 % des arrivées internationales, ce qui représente une perte de 280 à 420 milliards d’euros pour le secteur du voyage au niveau mondial, en Europe, l’été est une saison cruciale avec 360 millions d’arrivées représentant 150 milliards d’euros en moyenne. Si le tourisme contribue à près de 10 % du PIB de l’Union européenne, et représente une source essentielle d’emplois et de revenus, il constitue surtout un écosystème complexe et fragile, qui participe de la vie quotidienne et du mode de vie de tous les Européens ; car restaurants, cafés, loisirs sont utilisés autant par les touristes que par les locaux.
On comprend donc que chaque Etat membre de l’Union ait construit des plans d’aides massifs – 18 milliards d’euros en France – pour ce secteur si important et ait envie de rouvrir le plus rapidement possible ses frontières pour faire revenir la clientèle étrangère… quitte à confondre vitesse et précipitation. Alors que les frontières extérieures de l’espace Schengen sont fermées jusqu’au 15 juin, certains pays ont d’ores et déjà annoncé la réouverture des leurs, sans aucune concertation avec les autres Etats ou avec des accords particuliers avec un ou deux pays voisins. Ce déconfinement égoïste, en ordre dispersé, met ainsi à l’épreuve la solidarité européenne. La Commission, présidée par Ursula von der Leyen, a eu raison de rappeler qu’il ne saurait y avoir de discrimination entre pays et régions qui connaissent des conditions épidémiologiques similaires. S’il est légitime pour chaque pays de promouvoir ses atouts touristiques pour sa propre population comme pour les futurs visiteurs étrangers, il convient aussi de ne pas déroger à la libre circulation des citoyens au sein de l’UE, qui reste l’une des conquêtes les plus importantes de l’Europe et un principe fondateur de son identité qui doit être préservé.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 2 juin 2020)