Lorsqu’Emmanuel Macron avait annoncé la réouverture des écoles pour le 11 mai, un vent d’incompréhension avait traversé le pays, inquiétant les parents, les enseignants et les élus locaux. Les enfants, qu’on croyait alors particulièrement contaminants, devaient-ils se retrouver ensemble ? Comment les enseignants allaient pouvoir faire classe avec une partie de leurs élèves à l’école et l’autre à la maison ? Comment les mairies allaient pouvoir en si peu de temps réaménager leurs locaux pour respecter un protocole sanitaire très strict ? L’argument du décrochage de certains élèves pendant le confinement, invoqué par le ministre Jean-Michel Blanquer, ne passait pas et beaucoup dénonçaient une décision cynique pour pouvoir remettre les parents au travail à l’heure où l’économie française filait vers une récession historique. Et pourtant…
Maintenant que les dernières études ont montré que les enfants étaient bien moins contaminateurs qu’on ne le pensait, et que le protocole sanitaire peut être allégé ; maintenant que la polémique du 11 mai est derrière nous, la communauté éducative mesure l’impact qu’a eu le confinement sur les élèves et l’urgence qu’il y a à revenir à l’école, ne serait-ce que pour quelques semaines.
« L’école à la maison » a été une extraordinaire solution d’urgence, mobilisant les parents qui se sont transformés en maîtres pour leurs enfants, et les enseignants qui, à distance, ont déployé des trésors d’inventivité pour maintenir le lien entre leurs élèves. Mais cette opération, qui était nécessaire, a été aussi un amplificateur des inégalités scolaires – qui étaient déjà là – comme vient de le démontrer une enquête nationale. La catégorie sociale et le niveau d’études des parents, l’environnement du logis familial, la difficulté ou la facilité dans la maîtrise des outils numériques ont approfondi les inégalités entre élèves là où l’école fait tout pour les corriger. 4 % d’élèves – soit 500 000 enfants – seraient ainsi passés « sous le radar » durant le confinement.
Mais au-delà de ces décrocheurs qui mériteront une attention particulière, ce sont tous les élèves qui ont été affectés par l’isolement du confinement. L’école est bien sûr le lieu de l’apprentissage, de la découverte, de la transmission des savoirs, mais c’est aussi un lieu de socialisation où l’on apprend la citoyenneté.
Cette vie scolaire, essentielle pour les enfants, a été mise entre parenthèses par l’épidémie. Il est temps de la retrouver.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 7 juin 2020)