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Affichage des articles du septembre, 2022

L'hubris et les retraites

« En grec, il y a un mot qui s’appelle hubris, c’est la malédiction des dieux. Quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, vous pensez que vous allez tout emporter. Il y a une phrase qui dit que les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre, donc il ne faut pas que nous soyons dans la cécité ». En livrant cette analyse en septembre 2018, l’ancien ministre Gérard Collomb, premier des Marcheurs, s’était irrémédiablement brouillé avec Emmanuel Macron, qui avait peu goûté les propos de son ministre de l’Intérieur. Quatre ans plus tard, François Bayrou, autre allié historique du président de la République, a fait une analyse quasi-similaire quand il a considéré que lancer sans précautions ni explications la très clivante réforme des retraites via un simple amendement au projet de loi de finance de la Sécurité sociale constituerait un inacceptable « passage en force », bien éloigné de la promesse d’une nouvelle méthode de gouvernance faite de concertation, d’écoute et de recher

Retournement

Lorsque le 21 septembre dernier, Vladimir Poutine a annoncé à la télévision une « mobilisation partielle » de 300 000 réservistes pour appuyer son « opération militaire spéciale » en Ukraine, chacun a bien compris qu’un tournant se produisait dans la guerre déclenchée le 24 février par la Russie. Confronté à une contre-offensive victorieuse de Kiev dans l’est et le sud de l’Ukraine contre une armée russe qui a connu de multiples revers en sept mois, Vladimir Poutine a choisi la fuite en avant, brandissant une nouvelle fois la menace nucléaire contre l’Ukraine et l’Occident et précipitant en catastrophe l’organisation de pseudos-référendums pour annexer quatre régions occupées. Après ce tournant dans une guerre qui lui échappe, le maître du Kremlin va-t-il subir le retournement de l’opinion russe ? On n’en est pas encore là mais la « mobilisation partielle » a d’ores et déjà fait chuter les certitudes et la communication de Moscou, dans la population et jusqu’à l’élite du pays. Dans la

Le piège des retraites

Chaque automne, l’examen par le Parlement du projet de loi de finances – le budget de la Nation – pour l’année suivante est un rendez-vous politique important. C’est là que le gouvernement fixe ses priorités, détaille ses choix, sa vision de l’avenir pour le pays. C’est là aussi que députés et sénateurs se positionnent quant à leur appartenance ou non à la majorité présidentielle. Cette année est toutefois exceptionnelle car l’examen du budget intervient dans un contexte totalement inédit. D’une part, la majorité présidentielle n’est que relative à l’Assemblée nationale, ce qui suppose pour le gouvernement d’aller chercher des voix au-delà des formations qui le composent s’il veut éviter d’avoir à utiliser l’arme du 49.3… qui peut se retourner contre lui si une motion de censure est votée. D’autre part, ce budget a été préparé dans un contexte sans précédent marqué par la guerre en Ukraine qui a avivé la crise de l’énergie et provoqué un retour de l’inflation et par une crise climatiqu

Révolution numérique

La question n’est pas nouvelle et apparaît à chaque rentrée scolaire pour les parents d’élèves entrant au collège ou étant encore à l’école élémentaire : faut-il doter son enfant d’un téléphone portable, ou plus sûrement d’un smartphone, connecté en permanence à internet ? À partir de quel âge est-il raisonnable qu’un jeune dispose d’un tel appareil ? Quels sont les risques de son utilisation prolongée sur sa santé physique et mentale, sa vision, son attention, sa capacité à réfléchir ? Quelles sont les dérives auxquelles les jeunes peuvent être exposées, entre pornographie toujours très facilement accessible, dépendance aux réseaux sociaux qui déploient des algorithmes perfectionnés pour capter et garder l’attention et cyberharcèlement de la part de camarades malintentionnés ? Toutes ces questions reviennent depuis déjà plusieurs années mais avec encore plus d’acuité ces deux dernières années, marquées par l’épidémie de Covid-19. La crise sanitaire, en effet, a accéléré la numérisatio

Mic mac sur MidCat

La polémique qui oppose la France et l’Espagne a propos de la relance du projet de gazoduc MidCat (Midi-Catalogne) entre nos deux pays illustre finalement assez bien l’état actuel de l’Union européenne, les limites de la solidarité entre États membres, la difficulté à conduire des projets d’infrastructures à l’échelle du continent ou encore la capacité à agir rapidement et en même temps à penser le temps long. De prime abord, alors que le continent subit de plein fouet la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine, et doit plus particulièrement trouver des réponses à l’épineuse question de l’approvisionnement et des stocks de gaz après l’arrêt des livraisons de gaz russe, le projet MidCat semblait tomber sous le sens. Stoppé en 2019 car considéré par les régulateurs français et espagnol comme trop coûteux par rapport aux avantages escomptés, mais aussi vilipendé par les associations de défense de l’environnement des deux côtés des Pyrénées, le retour en grâce de ce projet pa

Fuite en avant

C’est un dessin de presse au trait épais mais parfaitement ciselé, dont les couleurs délavées sont soulignées par un rai de lumière. Vladimir Poutine est assis, accablé, dans un fauteuil surmonté d’un aigle bicéphale, symbole de la Russie, à côté d’un téléphone rouge, le bouton nucléaire en pendentif. Dans sa main, un pistolet comme s’il était prêt à se suicider dans ce bunker, allusion à Hitler qui s’est donné la mort 30 avril 1945 dans son Führerbunker à Berlin. En lettres capitales jaunes au-dessus de la scène : « La Russie est en train de perdre ». Voilà la une de l’hebdomadaire tchèque « Respekt », cette semaine, qui annonce une victoire de l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie et la fin prochaine du maître du Kremlin. Une défaite ou l’impossibilité pour la Russie d’arriver à ses fins est d’ailleurs un scénario auquel se rattachent de nombreux experts. C’est sans doute cette humiliante perspective de perdre la guerre – cette « opération militaire spéciale » lancée le 24 févrie

Fissures

Dans l’est de l’Ukraine, alors que les troupes russes subissaient de spectaculaires revers face à une contre-offensive ukrainienne qui a permis à Kiev de regagner plus de 6 000 kilomètres carrés occupés par les Russes depuis six mois, à Moscou, Vladimir Poutine inaugurait… une grande roue dans le cadre des festivités du 875e anniversaire de la fondation de la ville. Comme si de rien n’était. Pour le maître du Kremlin, tout va bien et l’ « opération militaire spéciale » qu’il a lancée le 24 février pour « dénazifier » l’Ukraine suit son cours. Elle avance « à un petit rythme » a relevé Vladimir Poutine, pas question donc de changer les objectifs initiaux. Le président russe a même averti qu’il réagirait avec plus de force si ses troupes étaient soumises à une pression supplémentaire, menaçant une nouvelle fois de recourir à l’utilisation d’armes non conventionnelles, nucléaires ou chimiques. Mais après bientôt sept mois de conflit, ce qui devait être une opération éclair pour l’une des

Vitesse et précipitation

Évoquez l’abaissement de la limitation de vitesse sur autoroutes de 130 à 110 km/h et vous avez l’assurance d’obtenir une discussion animée en famille, entre amis ou entre collègues. C’est que dès qu’il s’agit de la « bagnole », passion française s’il en est, les esprits s’échauffent vite. Sans doute car il s’agit de l’un des sujets qui recouvrent de multiples aspects, sociétaux, sécuritaires et politiques. Sociétaux car chacun, qu’il soit ou non titulaire du permis de conduire, a développé une relation particulière à l’automobile. Pour les uns, il s’agit d’un moyen de transport individuel et égoïste, anachronique à l’heure du dérèglement climatique et de la sobriété énergétique, et qu’il faudrait chasser des villes et remplacer par le vélo ou des transports en commun. Pour les autres, l’automobile reste le symbole de la liberté associé parfois au plaisir de la conduite et de la découverte. Pour de nombreux Français, et particulièrement ceux en zones rurales, il s’agit tout simplement

Epée de Damoclès

Les responsables politiques qui ont à gérer la crise énergétique qui frappe l’Europe depuis la fin 2021 et plus encore depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février, semblent avoir tiré les leçons des erreurs commises lors d’une autre crise, celle de la pandémie de Covid-19. Au début du déferlement du coronavirus et de la panique qu’il provoqua en 2020, le chacun pour soi avait prévalu dans les pays membres de l’Union européenne, retardant de fait la prise des bonnes décisions et la mise en place d’une solidarité efficace. Face à la crise de l’énergie, les 27 ont cette fois très tôt réagi de concert, ce qui était d’autant plus délicat que les pays membres étaient dans des situations très différentes, l’Allemagne étant par exemple beaucoup plus dépendante que la France des livraisons de gaz russe. Au final, la solidarité européenne s’est mise en place en tenant compte des particularités de chacun et, hier, après des décisions déjà prises sur la sécurisation des approvisionn

Fatalité

La pandémie de Covid-19 a été une crise évidemment sanitaire mais aussi économique avec des conséquences dramatiques pour des millions de salariés et d’entreprises. Au fur et à mesure de la progression du coronavirus, des pans entiers de l’activité économique du pays se sont arrêtés, du secteur aérien qui a subi l’une des pires baisses du trafic mondial au secteur du BTP, de l’hôtellerie-restauration au secteur culturel dont les établissements ont été fermés en raison des confinements et couvre-feux successifs. Heureusement, l’État, mais aussi de nombreuses collectivités territoriales, dont les régions, sont intervenus pour amortir le contrechoc de l’épidémie, instaurant ici du chômage partiel pour les salariés et là des aides pour soutenir les entreprises et leur éviter la faillite. Fonds de solidarité, exonérations de charges, financement de l’activité partielle et prêts garantis par l’État (PGE, 145 milliards d’euros en deux ans). L’intervention, rapide et massive, de cet État provi

Sortir du déni

Des professeurs qui ne peuvent plus enseigner correctement l’histoire de la Shoah, de l’Antiquité ou certaines œuvres littéraires, dont les cours sur la liberté d’expression ou la laïcité sont contestés par certains de leurs élèves qui y voient des blasphèmes, des matières scientifiques auxquelles des élèves opposent les dogmes religieux ou les pires théories complotistes, des cours de sport ou de musique qui sont perturbés ou contournés au nom de pratiques religieuses ou en raison d’un sexisme d’un autre âge. Et des parents d’élèves qui s’immiscent de plus en plus pour contester le programme des enseignements et le fonctionnement des établissements, afin de soutenir leur progéniture contre leurs professeurs, réclamant bruyamment des sanctions disciplinaires ici, criant là à l’offense, aux discriminations, à l’islamophobie ou au racisme sur les réseaux sociaux et parfois devant de complaisantes caméras de télévision. Et n’hésitant pas à diffuser des messages haineux à l’encontre des en

Anticiper

Gouverner c’est choisir. La formule de Pierre Mendès-France a fait florès. Mais gouverner c’est aussi prévoir autant que faire se peut, anticiper les grands bouleversements à venir et mesurer, forcément au trébuchet, toutes les conséquences possibles d’une décision en fonction des différents scénarios. Pour cela le gouvernement ne manque pas d’experts, les siens propres réunis par exemple dans France stratégie, ou d’autres venus de cabinets de conseil que l’actuel gouvernement a très souvent sollicités. Mais une fois que la décision est prise en fonction d’un contexte particulier, elle ne résiste parfois pas aux événements ultérieurs, plaçant les décideurs dans des situations périlleuses voire inextricables. C’est ce qui arrive actuellement à de nombreux pays européens en matière d’énergie. Le choix d’Angela Merkel de sortir l’Allemagne du nucléaire, après l’accident de Fukushima en 2011, et de privilégier le gaz russe, via de nouveaux gazoducs, semblait courageux et pertinent. Avec la

Trompe-l'oeil

L’entrée en vigueur de la nouvelle ristourne du gouvernement sur le prix du litre de carburant sera évidemment bien accueillie par les Français. Alors qu’en cette rentrée, l’inflation galopante flirte avec les 8 % dans l’alimentaire et pourrait atteindre 10 % d’ici la fin de l’année, le passage de 18 centimes d’euros de rabais par litre, en vigueur depuis le 1er avril, à 30 centimes en septembre et en octobre, puis à 10 centimes en novembre et en décembre, sera forcément apprécié par tous ceux qui n’ont pas d’autres solutions que de prendre leur voiture pour aller travailler, faute de disposer de transports collectifs, ce qui est particulièrement vrai dans les territoires ruraux. Cette nouvelle ristourne sera de plus abondée par Total Énergies qui consent ce geste aux Français peut-être par crainte de voir le débat sur la taxation des superprofits des pétroliers – effective en Espagne ou au Royaume-Uni – ressurgir dans le débat public en France… Pour le gouvernement, cette ristourne es