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Anticiper

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Gouverner c’est choisir. La formule de Pierre Mendès-France a fait florès. Mais gouverner c’est aussi prévoir autant que faire se peut, anticiper les grands bouleversements à venir et mesurer, forcément au trébuchet, toutes les conséquences possibles d’une décision en fonction des différents scénarios. Pour cela le gouvernement ne manque pas d’experts, les siens propres réunis par exemple dans France stratégie, ou d’autres venus de cabinets de conseil que l’actuel gouvernement a très souvent sollicités.

Mais une fois que la décision est prise en fonction d’un contexte particulier, elle ne résiste parfois pas aux événements ultérieurs, plaçant les décideurs dans des situations périlleuses voire inextricables. C’est ce qui arrive actuellement à de nombreux pays européens en matière d’énergie. Le choix d’Angela Merkel de sortir l’Allemagne du nucléaire, après l’accident de Fukushima en 2011, et de privilégier le gaz russe, via de nouveaux gazoducs, semblait courageux et pertinent. Avec la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine et l’arrêt des livraisons de Gazprom, son successeur Olaf Scholz, au pied du mur, est aujourd’hui contraint de faire machine arrière.

En France, l’arrêt en 2020 de la vieillissante centrale nucléaire de Fessenheim après des années de débats semblait, là aussi, épouser le sens de l’histoire : diminuer le poids du nucléaire au profit des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. La guerre en Ukraine a rebattu les cartes, Emmanuel Macron a décidé de relancer un programme nucléaire ambitieux mais doit aujourd’hui agir avec le retard des renouvelables en France et les difficultés d’EDF avec un parc de 56 réacteurs dont 32 sont à l’arrêt, ce qui laisse entrevoir de possibles pénuries cet hiver, alors que la France devrait être largement autosuffisante voire exportatrice. De la même façon, l’arrêt en 2019 d’un gazoduc entre l’Espagne et la France, jugé à l’époque trop coûteux et portant atteinte à l’environnement, apparaît aujourd’hui comme une erreur.

La crise énergétique née il y a à peine six mois bouscule ainsi les certitudes qui étaient les nôtres. En disant – de façon abrupte pour tous ceux qui sont dans la précarité – qu’on vivait « la fin de l’abondance », « la fin de l’évidence » et « la fin de l’insouciance », Emmanuel Macron a parlé juste… mais sans aller jusqu’à reconnaître les erreurs du passé. Car la crise énergétique souligne moins l’impréparation à court terme des pays européens – l’UE a réagi plutôt rapidement pour sécuriser ses approvisionnements pour cet hiver – que leur manque d’anticipation sur le long terme. Faute d’avoir anticipé la nécessité d’être souverain – mais solidaire – en matière d’énergie, faute d’avoir suivi les avis éclairés des experts, au profit d’options politiques et parfois démagogiques, les pays européens doivent parer au plus pressé pour éviter les black-out, les coupures de gaz et protéger leurs populations d’une historique flambée des prix.

Gageons que la leçon devrait être retenue et que la transition écologique et énergétique, urgente face à l’accélération du dérèglement climatique, fera l’objet de décisions qu’on ne regrettera pas…

(Editorial publié dans La Dépêcher du Midi du vendredi 2 septembre 2022).

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