L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre.
D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point central des revendications des syndicats.
L’échec du conclave – dont plusieurs organisations, FO, CGT, U2P, avaient claqué la porte en route – laisse ainsi le sentiment d’une occasion manquée mais aussi la désagréable impression que le Premier ministre – pourtant défenseur du dialogue social – n’a finalement cherché qu’à gagner du temps pour rester à Matignon et éviter ainsi la censure. Une censure aujourd’hui sur la table… déposée par la gauche et notamment les socialistes, qui avaient renoncé à utiliser cette arme lors du budget 2025, après avoir obtenu par écrit de François Bayrou l’engagement que le Parlement ait le dernier mot sur les retraites à l’issue du conclave, quel que soit son résultat… Sans préjuger de ce que donnera l’ultime tentative de François Bayrou, hier, pour arracher un accord, dont lui seul dit qu’il était « tout proche », sans préjuger du « texte qui pourra être examiné par la représentation nationale » comme il l’a promis aux députés, les dés semblent désormais jetés et son temps compté…
Si l’adoption d’une motion de censure sur les retraites vendredi reste pour l’heure hypothétique puisque le Rassemblement national n’a pas fait du conclave raté un casus belli – mais la versatilité de l’extrême droite invite à la prudence – une autre censure attend François Bayrou sur le Budget 2026. Après des mois de mystère et de multiples ballons d’essais – sur la TVA sociale ou les niches fiscales – le Premier ministre doit présenter d’ici le 11 juillet un plan global de maîtrise des dépenses publiques.
Reste que l’examen de ce budget austéritaire – qui doit acter 40 milliards d’économies sans se donner les moyens de revoir la fiscalité des plus aisés comme le réclame une majorité des Français – s’annonce périlleux pour François Bayrou. Les oppositions fourbissent déjà leurs armes – c’est logique – mais les divergences ont aussi gagné le « socle commun » censé pourtant soutenir le gouvernement. Des divergences qui n’ont cessé de grossir ces dernières semaines au point de voir les macronistes du « socle commun » torpiller leurs propres textes – sur les ZFE ou l’énergie… Ubuesque.
« Le semblant de stabilité politique n’améliore pas la situation des Français. Je préfère un gouvernement qui tombe à genoux mais en étant allé jusqu’au bout », a lâché la vice-présidente Horizons de l’Assemblée Naïma Moutchou dimanche dans une formule quasiment performative. Car un Premier ministre sans majorité, sans ligne claire, sans autorité sur les formations qui le soutiennent, sans résultat sur un conclave qui devait illustrer sa méthode et lesté d’une impopularité record (17 % d’avis positifs) peut-il réellement tenir ? Ou est-il effectivement « allé jusqu’au bout » ? Après le conclave, la messe est peut-être dite…
(Editoria publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 25 juin 2025)