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Le retour des faucons

 

Trump

 
 

Depuis plusieurs semaines, Donald Trump, dont la susceptibilité à fleur de peau est bien connue, supportait de moins en moins d’être qualifié par ses adversaires et les milieux financiers de TACO, Trump Always Chickens Out, c’est-à-dire Trump se dégonfle toujours. Un surnom né des volte-face du président américain sur les surtaxes douanières, sans cesse annoncées puis suspendues, mais aussi sur sa relation avec Vladimir Poutine avec lequel il a assuré plusieurs fois obtenir des avancées sur un cessez-le-feu en Ukraine « dans deux semaines » sans que jamais le maître du Kremlin ne bouge d’un pouce en ce sens.

« Deux semaines » c’était justement le délai que Donald Trump avait fixé à l’Iran, menaçant de frapper le régime des mollahs s’il ne revenait pas à la table des négociations – qu’il n’avait factuellement jamais quittée. Mais il n’aura fallu que 48 heures pour que Donald Trump prenne sa décision à la surprise générale et, cette fois, ne recule pas. Quitte à renier ses promesses de campagne de ne pas faire entrer les États-Unis dans une nouvelle guerre lointaine ; quitte à froisser une partie de sa base MAGA qui souhaite qu’il ne se concentre que sur l’America first ; quitte à bousculer le Congrès qui n’a pas donné son autorisation à une opération militaire d’une telle ampleur.

En ordonnant à ses bombardiers de lancer leurs puissantes GBU-57 pour détruire les installations d’enrichissement de l’uranium de trois sites iraniens – Fordo, Natanz et Ispahan – Donald Trump, qui semblait jusqu’à présent hésiter, s’est, d’évidence, rangé à l’avis des faucons américains et derrière Benjamin Netanyahu – qui ne peut assurer sa sécurité sans les États-Unis. Dès lors que l’opération pouvait être un succès, Trump a validé les plans d’attaques qui étaient sur la table depuis plusieurs jours. Une fois les frappes effectuées, le « commander in chief » a solennellement revendiqué un « succès militaire spectaculaire », présenté comme un avertissement à l’Iran, menacé d’attaques « bien plus importantes » s’il refuse la paix ou s’il met en œuvre des représailles, notamment contre les bases américaines.

D’aucuns considèrent qu’en bombardant l’Iran, en dehors de tout mandat de l’ONU, Donald Trump a mis un salutaire coup d’arrêt au menaçant programme nucléaire iranien, dont on ne sait toutefois pas quel était son avancement vers la fabrication d’une bombe ; qu’il a aidé Israël à « faire le sale boulot à notre place » pour reprendre la stupéfiante expression du chancelier allemand Friedrich Merz ; qu’il a aussi, finalement, apporté une réponse ferme à un régime qui, depuis 40 ans, a armé le Hamas, le Hezbollah, les Houtis, a fait de la destruction d’Israël un objectif et a financé de multiples actions terroristes partout dans le monde.

Reste qu’en donnant un coup de pied dans la fourmilière pour espérer la paix par la force, Donald Trump risque de se retrouver dans la même situation que celle de George W. Bush lorsque les États-Unis sont intervenus en Afghanistan en 2001 pour renverser les talibans après les attentats du 11-Septembre, ou en Irak en 2003 pour déloger Saddam Hussein au prétexte mensonger qu’il développait des armes de destructions massives. On connaît la suite : déstabilisation totale des régions concernées, extension du terrorisme, double échec pour les États-Unis. La situation est cette fois d’autant plus complexe qu’après ces trois frappes – dont les dégâts réels restent encore à analyser – le régime iranien est toujours en place…

Trump, qui se targue de faire de son imprévisibilité une force, pourra-t-il empêcher qu’un nouveau chaos ne survienne en Iran et embrase toute la région ? Pourra-t-il éviter de refaire les mêmes erreurs qu’il y a deux décennies ?

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 23 juin 2025)

 
 

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