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Multiples défis

 

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Le salon du Bourget s’ouvre ce lundi dans un contexte tragique avec le crash du Boeing 787 Dreamliner d’Air India, qui a coûté la vie à 247 personnes. Cette catastrophe aérienne impacte directement le salon puisque le PDG de Boeing, Kelly Orberg, et la directrice de Boeing Commercial Airplanes, Stephanie Pope, ont décidé d’annuler leur venue. GE Aeroposace, dont les moteurs équipaient l’avion d’Air India, a décidé de réduire ses activités.

Pour Boeing, qui a connu une chute en Bourse après le crash, le coup est évidemment rude. Depuis la crise survenue en 2019-2020 lorsque ses 737 Max étaient restés vingt mois cloués au sol après les accidents d’avions des compagnies Ethiopian Airlines et Lion Air – 346 victimes au total – l’avionneur américain n’en finit plus de cumuler les déboires et semble incapable de se raccrocher à la résilience qui a caractérisé le secteur aérien ces dernières années.

L’aéronautique mondiale a subi et subit toujours de multiples pressions, mais continue, en effet, à avancer. Fortement soutenu par des aides publiques, le secteur a réussi à surmonter la pandémie du Covid-19, peut-être la plus grave crise de son histoire, mais doit faire face à de nouveaux défis, au premier rang desquels un contexte économique entré en zone de turbulences. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, le secteur aérien subit, en effet, des tensions commerciales et stratégiques, notamment entre l’Europe et les États-Unis. Les droits de douane américains sur les produits aéronautiques européens imposés par Trump perturbent les chaînes d’approvisionnement et renchérissent le coût des avions. Ils poussent aussi l’Europe à revoir sa stratégie de souveraineté industrielle en matière civile comme militaire.

La transition écologique et la décarbonation constituent l’autre défi, de plus long terme. L’aviation commerciale représentant environ 5 % du réchauffement climatique, la pression est plus forte que jamais pour qu’elle réduise son empreinte carbone. Le développement de carburants alternatifs durables (SAF), la propulsion hydrogène, les avions hybrides ou électriques, ou l’utilisation de matériaux composites avancés sont au cœur des innovations qui seront abordées au Bourget. Pas suffisantes pour les ONG environnementales qui doutent que le secteur aérien puisse relever l’objectif de neutralité carbone qu’il s’est fixé à l’horizon 2050. Dénonçant un « déni climatique », elles estiment que la seule innovation technologique ne suffira pas et qu’il faudra limiter le trafic aérien.

Une perspective qui ne semble pas près d’arriver. Dans son rapport sur les « prévisions du marché mondial 2025-2044 », Airbus a estimé la croissance annuelle du trafic passagers à 3,6 % sur 20 ans, ce qui suppose un besoin de 43 420 nouveaux avions dont 34 250 monocouloirs de type A320. La flotte mondiale en service devrait dès lors quasiment doubler, passant de 24 730 avions fin 2024 à 49 210 en 2044, notamment pour répondre au trafic en forte croissance en Inde et en Asie. On passerait de 5 à 9 milliards de passagers… Selon le cabinet Roland Berger, sur le marché des avions moyens courriers, Airbus devrait voir sa part monter de 50 % aujourd’hui à 58 % en 2030, quand celle de Boeing se réduirait à 39 %.

Cette vertigineuse prévision de trafic en hausse constitue le dernier défi du secteur aérien, et particulièrement pour Airbus : comment répondre à une telle demande alors que les carnets de commandes sont pleins ? Une question qui, de surcroît, dépasse les seuls avionneurs et doit nous interroger tous collectivement sur sa soutenabilité.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 16 juin 2025)

 

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