L’affaire de pédocriminalité qui secoue le village de Sérignac-sur-Garonne est glaçante. L’information judiciaire ouverte contre l’ancien mari d’une assistante maternelle pour des faits de viols, agressions sexuelles et exhibition sur une douzaine d’enfants de moins de trois ans, dont cette dernière avait la garde, suscite la stupeur et l’indignation de tout un village et bien au-delà. Elle provoque aussi la détresse de parents étreints d’un terrible sentiment de culpabilité ; et la colère que ces faits aient pu se produire et perdurer alors que des signaux auraient pu alerter les autorités, notamment lors d’une première plainte à l’été 2024. Cela soulève dès lors des questions sur de possibles défaillances administratives puisque l’agrément de l’assistante maternelle avait été suspendu en janvier dernier par les services de la protection maternelle infantile (PMI) du conseil départemental du Lot-et-Garonne… avant de lui être à nouveau accordé.
Cette affaire de pédocriminalité intervient aussi dans un contexte national particulier qui interroge la société tout entière sur le devoir de protection qu’elle n’a, d’évidence, pas su assurer pour ses enfants. On a ainsi l’affaire Joël Le Scouarnec, ce chirurgien de Jonza condamné mercredi 28 mai, à vingt ans de réclusion criminelle, dont deux tiers de période de sûreté, pour viols et agressions sexuelles sur 299 victimes, commis entre 1989 à 2014 et méticuleusement consignés dans de sinistres carnets noirs.
On a l’affaire Bétharram, du nom de cet établissement privé catholique des Pyrénées-Atlantiques où, pendant des décennies, des élèves ont subi brimades, agressions sexuelles et viols sans que quiconque n’ait tenté d’entraver ce système avant que les premières plaintes ne soient déposées – le collectif de victimes dépasse aujourd’hui les 200 membres. L’affaire Bétharram a d’ailleurs déclenché un #MeToo de l’enseignement catholique, des drames similaires ayant été enfin dénoncés dans plusieurs autres établissements partout en France.
On a, enfin, le « scandale d’État » de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, pour reprendre l’expression du rapport parlementaire présenté le 8 avril dernier. La protection de l’enfance « qui hier était à bout de souffle » est « aujourd’hui dans le gouffre », alerte la commission qui dépeint des situations révoltantes où des jeunes placés sont maltraités, délaissés ou happés par des proxénètes et qui appelle à une profonde réforme de l’ASE, responsabilité des Départements depuis les années 80.
De Sérignac-sur-Garonne à Bétharram en passant par les foyers de l’ASE se dessine ainsi, dans un contexte d’omerta, le terrible tableau d’une enfance, d’une jeunesse en danger que les adultes n’arrivent pas à protéger. Dangers extérieurs quand il s’agit de prédateurs violents ou pédophiles. Mais aussi dangers intérieurs quand cette jeunesse – dont la santé mentale s’est profondément dégradée – sombre dans une ultraviolence inouïe qui va jusqu’à ôter la vie à des enseignants ou des surveillants comme hier à Nogent…
Apporter des réponses à ces drames, protéger les enfants et les adolescents, devient plus que jamais une urgence politique majeure, car qui, sinon la jeunesse, détient l’avenir du pays ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 11 juin 2025)