La semaine prochaine va s’achever le conclave sur les retraites, lancé début 2025 par François Bayrou pour améliorer la contestée réforme Borne de 2023 qui a repoussé l’âge légal de départ à 64 ans. Le Premier ministre, très critique sur la façon dont a été adoptée par 49.3 cette réforme, imaginait sans doute voir sortir du conclave la fumée blanche d’un accord à même d’apaiser ce débat éruptif qui occupe perpétuellement les débats politiques au détriment de bien d’autres sujets. Las ! On en est loin.
Entre une lettre de cadrage de Matignon imposant aux partenaires sociaux un retour à l’équilibre des comptes d’ici 2030 et un « non » catégorique de François Bayrou lui-même à tout débat sur l’âge, le conclave a perdu en route FO, la CGT et l’U2P. Et la semaine dernière, les fuites du rapport 2025 du Conseil d’orientation des retraites (COR), présidé par le très macroniste Gilbert Cette, proposant un recul à 66,5 ans en 2070 a semé un peu plus le trouble chez les partenaires sociaux restant. Au final, il ne devrait sortir du conclave que quelques ajustements pour « réparer les injustices » de la réforme Borne selon l’expression de François Hommeril (CFE-CGC). Mieux que rien sans doute mais rien ne sera donc réglé concernant le financement d’un système de retraites par répartition qui arrive, incontestablement, à bout de souffle et qui devrait encore se retrouver au cœur de la présidentielle de 2027. Le conclave aura été une occasion manquée…
Après la retraite à points promise par Emmanuel Macron qui s’était fracassée sur la pandémie de Covid-19, une autre idée fait désormais son chemin, poussée notamment par le « bloc central » et la droite : la capitalisation. Solution miracle pour ses partisans afin de colmater le trou des retraites ; ligne rouge pour la gauche qui voit là un système particulièrement inégalitaire entre ceux qui ont les moyens d’épargner et les autres, et qui se rappelle aussi combien, avant 1941, les retraites confiées à des fonds de pension privés avaient pris de plein fouet la crise de 1929.
Il n’empêche que l’introduction d’une dose de capitalisation agite les esprits et mérite qu’on la regarde avec sérieux. D’abord parce que plusieurs pays ont adopté des systèmes de retraite par capitalisation, soit comme pilier principal, soit en complément du système par répartition, comme la Suède, l’Espagne où l’Allemagne. Ensuite parce que la capitalisation existe déjà dans notre pays via des dispositifs ouverts à tous comme le PER (plan épargne retraite) ou, pour les fonctionnaires, via le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), créé en 2005. Et, en 2001, c’est bien Lionel Jospin qui a créé le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui était doté en 2023 de 21,3 milliards d’euros.
La gauche aurait d’ailleurs tout intérêt à sortir de ses batailles d’ego et se saisir du sujet pour dessiner son propre modèle de capitalisation, qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Un modèle solidaire, accessible à tous et non pas seulement aux plus aisés, à l’opposé des fonds de pensions vautours obsédés par la rentabilité. Jean Jaurès lui-même n’était pas opposé à la capitalisation qui « peut même, bien maniée par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière », écrivait-il en 1909…
Il n’y a pas de solution simple à un défi aussi structurant que les retraites. À droite comme à gauche, rompre avec les caricatures et les postures paraît en tout cas urgent pour trouver un compromis républicain sur les retraites qui reste possible – à défaut d’être aujourd’hui à portée de main.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 13 juin 2025)