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Articles

Affichage des articles du janvier, 2020

Besoin de clarté

"Mal nommer les choses, c’est participer au malheur du monde" disait Albert Camus. Mais il n’est pas toujours aisé de bien nommer les choses, et c’est tout l’enjeu de cette notion complexe de "radicalisation" – et son corollaire de "déradicalisation" – lorsqu’on l’applique à l’islam, à des jihadistes confirmés ou apprentis. Car deux écoles, pour le coup radicalement en désaccord, ont développé leur analyse du phénomène, récemment ravivé par la publication de deux livres. D’un côté, l’école de Gilles Kepel, qui estime que le jihadisme procède d’une "radicalisation de l’islam". Cette radicalisation passe par des figures tutélaires salafistes, des réseaux, des filières comme celle de Toulouse, des quartiers comme celui des Izards. Cette option est largement défendue par le livre d’Hugo Micheron " Le Jihadisme français : quartiers, Syrie, prison " (Ed. Gallimard). Le chercheur que nous avions récemment interviewé montre d’ailleurs combien

Du déni aux défis

"L’histoire est un perpétuel recommencement" : cette affirmation attribuée à l’historien et stratège grec Thucydide peut laisser penser qu’à l’avenir nous connaîtrons vraisemblablement d’autres crises sanitaires d’ampleur mondiale que celle du coronavirus 2019-nCoV. Pour autant, l’appréhension de ces crises a évolué et se fait désormais de plus en plus précise, la réaction de plus en plus forte, la recherche d’un vaccin de plus en plus rapide. Tout simplement parce que dans un monde globalisé, l’exigence légitime de transparence réclamée par les populations devient la norme face au déni et son cortège de rumeurs. Depuis la crise du Sras il y a 17 ans, la Chine a ainsi incontestablement progressé. En 2002, l’Empire du milieu, qui fait de toute épidémie un secret d’Etat, s’était muré dans le déni et avait longtemps dissimulé l’ampleur de la contamination, déclenchant ainsi un préjudiciable retard de près de trois mois dans la recherche mondiale d’un traitement. Cette fois,

Rouge passion

La gastronomie, on le sait, est une véritable passion française. Depuis le Gargantua de Rabelais jusqu’aux multiples concours des émissions télévisées, nous cultivons avec la cuisine des liens uniques, quasi charnels, si forts qu’ils font notre renommée partout dans le monde, une "French touch" née bien avant celle des start-up. Mais qui dit passion dit parfois aussi déraison, emportements, colères et mauvaise foi. La publication du nouveau Guide Michelin 2020 en a donné une parfaite illustration cette année. Le célèbre Guide rouge était déjà dans la tourmente l’an passé après avoir rétrogradé d’une étoile Marc Veyrat. Le chef savoyard au chapeau n’a pas digéré l’affront, au point de porter l’affaire devant les tribunaux. Débouté, il déverse depuis son courroux à longueur d’interviews contre les "voyous", les "fous" du Michelin et ne veut plus entendre parler d’étoiles. Il y a quelques jours, la révélation que le Guide 2020 allait enlever une étoile

Retrouver confiance

Une grande majorité de Français est sans doute en mesure de raconter une mauvaise expérience vécue avec un artisan – certains en ont même fait des livres comme le prix Goncourt Jean-Paul Dubois avec son savoureux "Vous plaisantez M. Tanner". Un devis où des prestations connexes ont été "oubliées", un montant final à payer qui a subitement gonflé, mais aussi des prestations qui ne sont pas à la hauteur et qui imposeront plus tard de refaire ce qui a été mal fait, etc. Le sentiment de s’être fait arnaquer est d’autant plus fort lorsque l’appel à l’artisan s’est fait dans une situation d’urgence ou de faiblesse : une fuite d’eau qui menace d’importants dégâts un appartement, un accident qui prive l’usage de sa voiture, et bien sûr un problème de serrure qui vous bloque à l’extérieur de votre logement ou vous empêche de bien le fermer… Ces comportements ne sont bien évidemment pas ceux de tous les artisans, mais les agissements de quelques brebis galeuses nuisent à

Le voyage de demain

En parvenant à faire décoller automatiquement, sans intervention humaine, un A350, Airbus a réalisé une première mondiale et un exploit technologique. À l’heure où Boeing est englué depuis des mois dans la crise de son 737-MAX, cloué au sol pour des défaillances logicielles, le contraste est évidemment saisissant, même si cet accident industriel n’obère en rien les capacités d’innovation de l’avionneur américain. La réussite de ce premier décollage (presque) sans pilote est aussi un élément de fierté pour tous les ingénieurs qui travaillent sur le projet ATTOL (Autonomous Taxi, Take-Off and Landing – roulage, décollage et atterrissage autonomes), lancé en 2018, et au-delà pour tous les compagnons de l’avionneur. La prouesse d’Airbus montre en tout cas que dans l’aéronautique, peut-être plus que dans tout autre domaine, l’innovation, la recherche, l’expérimentation constituent une constante consubstantielle de la grande aventure imaginée par Léonard de Vinci et concrétisée par C

En quête de bonheur

Rodez, première au palmarès des villes où il fait bon vivre, catégorie 20 à 50 000 habitants. Assisterait-on à la revanche des villes moyennes ? À la riposte des bourgs ? Au sursaut des petits villages contre ces grandes métropoles dont le pouvoir d’attraction se fait parfois au détriment des territoires qui les entourent ? En tout cas le palmarès des "villes et villages où il fait bon vivre", dévoilé dimanche dernier par la toute jeune association éponyme présidée par le communicant Thierry Saussez, fera chaud au cœur des élus locaux comme des habitants de ces 1 814 communes distinguées. On pourra toujours arguer que ce baromètre n’a pas la rigueur scientifique de nos économistes et statisticiens, mais en se construisant sur pas moins de 180 critères parfois très terre à terre dans huit grandes catégories, ce palmarès met le doigt sur quelque chose de diffus et forcément difficilement mesurable : la qualité de vie là où l’on habite. Ce palmarès fait d’ailleurs penser

Maîtriser la peur

Ce n’est pas la première fois que le monde est confronté à une pandémie massive. Ces vingt dernières années, deux épidémies mortelles de coronavirus ont ainsi durement touché l’Asie et le Moyen-Orient, causant la mort de quelque 1 600 personnes. Si autrefois ce type d’épidémie pouvait rester circonscrit à une petite zone ou, comme la peste noire, se diffuser lentement en Europe, de nos jours, avec des moyens de transport accessibles au plus grand nombre, la dissémination d’un virus peut se faire rapidement, en quelques semaines. L’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) survenue en 2002 et 2003 en Chine – et dont l’actuel nouveau coronavirus serait proche – avait ainsi infecté plus de 8 000 personnes dans 26 pays, avec un taux de mortalité proche de 10 %. Si pour l’heure, on n’est qu’au début d’une potentielle crise sanitaire mondiale, il est bien normal que les événements de ces derniers jours inspirent dans les populations une légitime peur. Une peur qui grossit pa

Défi climatique

Face aux déchaînements de la nature - séisme, inondation, orages, neige ou mouvements de terrain - nous nous retrouvons souvent démunis. L’arrivée de la tempête Gloria sur les côtes de notre région ne fait évidemment pas exception à la règle, même si cet « épisode Méditerranéen », selon la terminologie de MétéoFrance, a été annoncé suffisamment tôt pour que des actions d’alerte et de sécurisation puissent être entreprises. La violence des éléments et ses conséquences sur les personnes et les biens imposent dans un premier temps une solidarité sans faille avec les secouristes comme avec les victimes. Une solidarité qui se prolongera dans les semaines à venir lorsqu’il faudra évaluer puis indemniser et réparer les dégâts de Gloria. Mais cette tempête doit être aussi l’occasion de nous projeter dans l’avenir. Un avenir où les phénomènes météorologiques notamment seront plus intenses que ceux que nous avons pu connaître, comme l’indiquent toutes les études scientifiques de ces dern

Savoir-faire savoir

Lorsqu’en octobre 2012, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif de François Hollande, endosse une marinière Armor Lux et brandit un robot ménager Moulinex sur fond de drapeau tricolore en Une du Parisien Magazine, afin de vanter le "Made in France", beaucoup se gaussent et dénoncent un coup de com’. Il est vrai que le turbulent Montebourg n’a jamais rechigné tout au long de sa carrière aux envolées lyriques ni aux buzz médiatiques ; il s’était d’ailleurs transformé en VRP de la Renault Zoe électrique devant les caméras de BFMTV. Et pourtant, derrière cette Une qui fera beaucoup causer, il y avait, d’évidence, un engagement sincère, politique et personnel. Politique puisqu’il s’agissait d’engager une stratégie de reconquête industrielle en valorisant et en soutenant les productions françaises. Personnelle ensuite, puisqu’une fois retiré de la politique active, Arnaud Montebourg s’est investi dans la production de miel et d’amandes avec sa marque Bleu Blanc Ru

L'amour vachette

La nostalgie, c’est le bonheur d’être triste" disait Victor Hugo. Mais à la télévision, la nostalgie, c’est surtout l’occasion de réaliser, souvent à moindre coût, de très jolis succès d’audience en revisitant les émissions phares du passé. Et plus particulièrement celles d’un "âge d’or" où Netflix et Youtube n’existaient pas encore et où la télé régnait en maîtresse dans les foyers pour divertir les familles réunies ensemble au salon… Cette télé-nostalgie a même sa propre émission, "Les enfants de la télé", qui se plaît à diffuser et re-re-diffuser les extraits cultes des shows de Maritie et Gilbert Carpentier, de Midi Première ou de Monsieur Cinéma. Pas étonnant dès lors que les producteurs veuillent surfer sur l’effet "vintage" pour ressusciter les émissions cultes des années 70, 80 ou 90. Les exemples ne manquent pas : relancer "Avis de recherche", renouveler "La carte aux trésors", rebooster "Burger Quiz", ranime

L'année charnière

Un an après l’émergence du mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron passe le cap d’une nouvelle année en pleine crise sociale avec la controversée et inextricable réforme des retraites, qui a dépassé en longueur le conflit de référence de 1995. Cette année 2020 est pour le chef de l’Etat plus capitale sans doute que les autres, une année charnière car elle correspond au mitan de son quinquennat, ce moment où l’on a normalement déjà accompli beaucoup dans la foulée de la victoire et où l’on doit, déjà, dessiner les perspectives qui permettront une nouvelle candidature à la prochaine présidentielle. Les prédécesseurs d’Emmanuel Macron sont tous passés par là, avec, pour deux d’entre eux, Nicolas Sarkozy et François Hollande, d’immenses désillusions ; le premier ne parvenant pas à se faire réélire, le second à n’être même pas en mesure d’être à nouveau candidat… Emmanuel Macron, qui n’aime rien tant regarder les leçons que l’on peut tirer de l’Histoire que se distinguer radica

Avec modération

Au pays qui a fait de la gastronomie et du vin, deux éléments de son patrimoine reconnu dans le monde entier, peut-on imaginer se passer complètement d’alcool durant un mois ? Posée quelques jours avant les réveillons de Noël et du Nouvel an, deux fêtes forcément très arrosées, cette question presque provocatrice n’a pas manqué de susciter le type de débats enflammés dont nous sommes coutumiers, mais aussi une polémique au sommet de l’Etat. D’un côté, les professionnels du vin, qui dénoncent régulièrement les restrictions à la consommation, bataillent depuis presque 30 ans contre la loi Evin réglementant la publicité, et hurlent à la dictature hygiéniste ou puritaine quand on évoque cette opération "Janvier sans alcool". Défendant une filière qui représente des milliers d’emplois, ils mettent aussi en avant le côté culturel du vin à la table des Français. Difficile de leur donner tort sur ce point. Au pays de Rabelais, de Bocuse ou de Daguin, imaginerait-on un repas fes

Trésors de guerre

Lorsque l’on évoque une cagnotte, on convoque à coup sûr des souvenirs d’enfance, ces tirelires en forme de petit cochon rose où, consciencieusement, l’on glissait tout au long de l’année la pièce ou le billet donnés par un oncle ou une grand-mère. Avant, un jour, de casser la tirelire pour utiliser l’argent lors d’une grande occasion. La cagnotte, c’était aussi la collecte qu’amis et collègues organisaient pour offrir à l’un des leurs un cadeau de départ en retraite ou de bienvenue pour son nouveau-né. Cette version-là de la cagnotte – même si elle continue à exister – est bel et bien dépassée car depuis quelques années, la cagnotte s’est numérisée. Grâce à la puissance de plateformes devenues particulièrement nombreuses sur internet au point de concurrencer certaines banques, les cagnottes en ligne se sont multipliées, épousant une multitude de causes et d’objectifs. Les cagnottes amicales ou familiales restent bien sûr présentes, mais elles côtoient désormais des collectes m

Une fierté et une leçon

Les chiffres ne seront officiellement annoncés que dans quelques jours. Mais le record de livraisons d’Airbus en 2019, qui permet à l’avionneur européen de supplanter son rival américain Boeing - enlisé dans les déboires de son 737 MAX - est évidemment une bonne nouvelle et de bon augure pour entamer la nouvelle année et les nouveaux défis - nombreux ! - du secteur aérien. Voir Airbus redevenir numéro un mondial, une place qu’il n’avait plus occupée depuis 2011, suscite d’abord une immense fierté. C’est là la récompense du travail quotidien, acharné, passionné de tous les compagnons de l’avionneur, des ouvriers au PDG en passant par les ingénieurs, mais aussi de tous les sous-traitants qui œuvrent toute l’année à la réussite d’Airbus. Cette fierté rejaillit sur Toulouse, qui mérite plus que jamais son titre de capitale aéronautique, sur toute la région Occitanie et sur chacun d’entre nous. Ce succès historique est aussi une leçon pour tous les Européens. À l’heure où la mise en

La nuit du tycoon

Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, Louis XVI, Marie-Antoinette et leur famille fuient Paris pour rejoindre le bastion royaliste de Montmédy, à partir duquel le monarque espérait lancer une contre-révolution. On sait ce qu’il advint et l’entreprise fut stoppée net à Varennes-en-Argonne. Ettore Scola en fit un excellent film "La nuit de Varennes". Deux siècles plus tard, c’est à la fuite du roi déchu de l’automobile mondiale que nous assistons, médusés. Au nez et à la barbe des autorités japonaises qui l’avaient assigné à résidence après un long séjour en prison dans des conditions très difficiles, voilà que l’ancien PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, réussit une spectaculaire "grande évasion" vers sa patrie de cœur, le Liban, où il est considéré comme un héros et où il ne risque pas l’extradition vers le pays du Soleil levant qui, jadis, l’adulait pareillement. De Beyrouth, Carlos Ghosn espère ainsi conduire, non pas une contre-révolution, mais en tout cas