Accéder au contenu principal

Rouge passion

michelin


La gastronomie, on le sait, est une véritable passion française. Depuis le Gargantua de Rabelais jusqu’aux multiples concours des émissions télévisées, nous cultivons avec la cuisine des liens uniques, quasi charnels, si forts qu’ils font notre renommée partout dans le monde, une "French touch" née bien avant celle des start-up. Mais qui dit passion dit parfois aussi déraison, emportements, colères et mauvaise foi. La publication du nouveau Guide Michelin 2020 en a donné une parfaite illustration cette année.

Le célèbre Guide rouge était déjà dans la tourmente l’an passé après avoir rétrogradé d’une étoile Marc Veyrat. Le chef savoyard au chapeau n’a pas digéré l’affront, au point de porter l’affaire devant les tribunaux. Débouté, il déverse depuis son courroux à longueur d’interviews contre les "voyous", les "fous" du Michelin et ne veut plus entendre parler d’étoiles. Il y a quelques jours, la révélation que le Guide 2020 allait enlever une étoile au restaurant de feu Paul Bocuse, l’auberge de Collonges-au-Mont-d’Or – triplement distinguée depuis 55 ans – a déclenché une tempête. Comment ose-t-on s’attaquer à un monument de la cuisine française, au pape de la soupe aux truffes, au prince de la poularde ? Michelin démission, a-t-on presque entendu chez quelques critiques gastronomiques.

Et pourtant, ceux-là mêmes qui sont les plus virulents avec le Guide rouge soulignent, à leur corps défendant, combien il constitue une institution, une bible qui œuvre non pas à distinguer ad vitam aeternam des chefs talentueux – à l’image d’une Légion d’honneur dont on ne peut que gravir les grades – mais bien à saluer, à un instant T, le degré d’exceptionnel et d’authentique qu’ils mettent dans leur cuisine et leur restaurant. "Les étoiles ne s’héritent pas, elles se méritent", a rappelé, à raison, Gwendal Poullenec, le directeur du Guide Michelin. Mais il oublie toutefois un peu vite que si les étoiles qu’il décerne amènent la reconnaissance, elles portent aussi en elles une forte pression psychologique dont dépend parfois la pérennité économique future des restaurants étoilés. Raison pour laquelle certains chefs, à l’instar de l’Aveyronnais Sébastien Bras, souhaitent ne plus être référencés pour gagner en tranquillité d’esprit et préserver de toutes contraintes leur créativité.

Ceci étant, le Michelin, aussi attendu et prestigieux soit-il, n’est plus le Guide du début du XXe siècle. Aujourd’hui, il est une offre parmi d’autres pour tous ceux qui veulent découvrir une bonne table. Il existe, en effet, d’autres guides généralistes ou spécialisés, de nombreuses plateformes d’avis en ligne – Michelin s’est d’ailleurs allié avec l’une d’elles – les réseaux sociaux ou tout simplement le bon vieux bouche-à-oreille. Ainsi chacun selon ses envies et ses moyens peut trouver LE restaurant qui lui convient et qui transformera cette passion française pour la gastronomie en un plaisir unique.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 28 janvier 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a