Rodez, première au palmarès des villes où il fait bon vivre, catégorie 20 à 50 000 habitants. |
Assisterait-on à la revanche des villes moyennes ? À la riposte des bourgs ? Au sursaut des petits villages contre ces grandes métropoles dont le pouvoir d’attraction se fait parfois au détriment des territoires qui les entourent ? En tout cas le palmarès des "villes et villages où il fait bon vivre", dévoilé dimanche dernier par la toute jeune association éponyme présidée par le communicant Thierry Saussez, fera chaud au cœur des élus locaux comme des habitants de ces 1 814 communes distinguées.
On pourra toujours arguer que ce baromètre n’a pas la rigueur scientifique de nos économistes et statisticiens, mais en se construisant sur pas moins de 180 critères parfois très terre à terre dans huit grandes catégories, ce palmarès met le doigt sur quelque chose de diffus et forcément difficilement mesurable : la qualité de vie là où l’on habite. Ce palmarès fait d’ailleurs penser à l’indice du bonheur national brut, imaginé au Bouthan dans les années 70, pour s’affranchir du seul Produit national brut. Ce BNB s’est prolongé par l’indice du Bonheur intérieur brut, un indicateur de l’OCDE agrégeant onze thématiques (logement, emploi, santé, sécurité, éducation, environnement…) et qui établit, justement, un classement des pays où il fait "bon vivre".
Le palmarès des "villes et villages où il fait bon vivre" atténue également le regard très sombre qui avait été porté par des géographes comme Christophe Guilluy sur cette France périphérique délaissée, en souffrance socio-économique ; cette France qui est également celle des ronds-points des Gilets jaunes. Certes, les difficultés de ces territoires à l’heure où la France vit une forte métropolisation sont toujours là, mais le palmarès contrebalance la froideur des indicateurs par la chaleur de la réalité dans laquelle les villes moyennes et les villages se battent pour rester dans la course et proposer à leurs habitants un environnement agréable pour la vie personnelle et professionnelle de chacun.
Le palmarès met également le doigt sur quelque chose qui sera forcément au cœur des prochaines élections municipales : le besoin de proximité. S’il fait bon vivre dans sa ville et son village, c’est évidemment parce que tout ce dont on a besoin est tout près, de l’école à la maternité, de la boulangerie au parc, du plombier au pharmacien. Dans un monde globalisé, cette proximité est aujourd’hui précieuse et inspire même… les grandes métropoles. Ainsi, Carlos Moreno, professeur à l’université Paris-I et spécialiste de la "ville intelligente", a développé le concept de "ville du quart d’heure". C’est-à-dire définir au sein des grandes métropoles des zones où les habitants ont accès en 15 minutes à six fonctions clés (habitat, travail, approvisionnement, bien-être, éducation et loisirs) pour être heureux. Les élus des grandes villes – d’Anne Hidalgo à Jean-Luc Moudenc – s’intéressent au concept, qui montre combien nos villes et villages peuvent être des modèles inspirants.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 24 janvier 2020)