Un an après l’émergence du mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron passe le cap d’une nouvelle année en pleine crise sociale avec la controversée et inextricable réforme des retraites, qui a dépassé en longueur le conflit de référence de 1995. Cette année 2020 est pour le chef de l’Etat plus capitale sans doute que les autres, une année charnière car elle correspond au mitan de son quinquennat, ce moment où l’on a normalement déjà accompli beaucoup dans la foulée de la victoire et où l’on doit, déjà, dessiner les perspectives qui permettront une nouvelle candidature à la prochaine présidentielle.
Les prédécesseurs d’Emmanuel Macron sont tous passés par là, avec, pour deux d’entre eux, Nicolas Sarkozy et François Hollande, d’immenses désillusions ; le premier ne parvenant pas à se faire réélire, le second à n’être même pas en mesure d’être à nouveau candidat…
Emmanuel Macron, qui n’aime rien tant regarder les leçons que l’on peut tirer de l’Histoire que se distinguer radicalement de ses prédécesseurs, l’a bien compris et y a d’ailleurs fait directement référence lors de ses vœux. "D’habitude, c’est le moment du mandat où on renonce à agir avec vigueur, pour ne surtout plus mécontenter personne à l’approche des futures échéances électorales – municipales, sénatoriales, départementales, régionales puis présidentielles. Nous n’avons pas le droit de céder à cette fatalité. C’est l’inverse qui doit se produire", estime Emmanuel Macron qui ne sera pas le "roi fainéant" que Nicolas Sarkozy évoquait cruellement en parlant de Jacques Chirac.
Reste à savoir quelle orientation veut donner le chef de l’Etat pour la seconde partie de son quinquennat, cet acte II qui devait, avait-il promis, être marqué par davantage d’écoute, de concertation, pour ne pas dire de bienveillance. Cette bienveillance qui fut son mantra durant sa campagne présidentielle et que sa majorité – notamment l’aile gauche – le presse aujourd’hui de vite retrouver. Car la réforme des retraites – bien que déjà riche de dérogations pour certaines professions – montre exactement l’inverse. Elle braque bien plus que les seuls opposants mais aussi les alliés potentiels comme la CFDT ; elle génère, à force de couacs de communication, de l’angoisse chez les Français ; et enfin elle alimente un peu plus cet anti-macronisme, parfois aussi primaire que haineux, qui de frein devient blocage.
Dès lors, si Emmanuel Macron – qui est attendu sur de nouveaux chantiers comme la bioéthique, la dépendance, l’environnement, la laïcité, etc. – veut surmonter les blocages et retrouver la confiance de ses concitoyens, il devra admettre que réformer, ce n’est pas passer en force et que, comme le disait son mentor Paul Ricoeur, "ce qui arrive est toujours autre chose que ce que nous avions attendu…"
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 6 janvier 2020)