Lorsque l’on évoque une cagnotte, on convoque à coup sûr des souvenirs d’enfance, ces tirelires en forme de petit cochon rose où, consciencieusement, l’on glissait tout au long de l’année la pièce ou le billet donnés par un oncle ou une grand-mère. Avant, un jour, de casser la tirelire pour utiliser l’argent lors d’une grande occasion. La cagnotte, c’était aussi la collecte qu’amis et collègues organisaient pour offrir à l’un des leurs un cadeau de départ en retraite ou de bienvenue pour son nouveau-né.
Cette version-là de la cagnotte – même si elle continue à exister – est bel et bien dépassée car depuis quelques années, la cagnotte s’est numérisée. Grâce à la puissance de plateformes devenues particulièrement nombreuses sur internet au point de concurrencer certaines banques, les cagnottes en ligne se sont multipliées, épousant une multitude de causes et d’objectifs.
Les cagnottes amicales ou familiales restent bien sûr présentes, mais elles côtoient désormais des collectes marquées par l’engagement solidaire, citoyen ou politique. À l’instar des pétitions sur internet qui connaissent un engouement exponentiel, les cagnottes en ligne rassemblent ainsi de parfaits inconnus autour d’une cause à faire aboutir. Le dernier exemple en date est le rachat du zoo de Pont-Scorff dans le Morbihan par l’association de défense des animaux Rewild. En quelques jours, les 600 000 € nécessaires à ce projet ont été collectés. Mais on pourrait aussi citer les dons qui ont afflué avec une même rapidité pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Par leur simplicité de mise en œuvre et la facilité avec laquelle chacun peut participer selon ses moyens, les cagnottes en ligne ont connu une hausse spectaculaire de leur collecte de 113 %, passant de 155 millions d’euros en 2017 à 330 millions en 2018. Elles constituent désormais de vrais trésors de guerre pour les causes qu’elles veulent financer.
Ce succès se retrouve aujourd’hui dans les différentes cagnottes organisées en faveur des grévistes opposés à la réforme des retraites. Les montants collectés impressionnent, la diversité des donateurs, sociale, géographique, est établie. Alors qu’on entame aujourd’hui le 30e jour de mobilisation, le gouvernement, qui se félicitait ces jours derniers de la baisse du taux de grévistes à la SNCF ou à la RATP, serait bien inspiré de prendre en compte la participation à ces cagnottes. Car en versant leur obole, les Français soutiennent la mobilisation par procuration et permettent ainsi son prolongement.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 3 janvier 2020)