Accéder au contenu principal

Guerres et paix

Liban

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient.

Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – « État dans l’État » qui, depuis les pogroms du 7 octobre, ciblait à basse intensité Israël en soutien à Gaza – brandit la menace d’une riposte massive en cas d’intervention terrestre israélienne. Mais cette organisation, soutenue par l’Iran, en a-t-elle encore les moyens ? Israël, de son côté, n’hésite plus à frapper en territoire libanais, jusqu’au sud de Beyrouth hier, au risque d’embraser toute la région. Mais l’État hébreu – qui joue de son avantage et de sa supériorité militaire et technologique, notamment son protecteur dôme de fer – a-t-il les moyens d’entretenir deux fronts simultanément : Gaza et le sud Liban, où le Hezbollah est autrement plus redoutable que le Hamas palestinien ?

Le pays se retrouve « au seuil d’un tunnel noir, dans l’obscurité, sans aucune visibilité quant à la fin de ce tunnel », titrait hier le quotidien libanais An-Nahar, inquiet de voir advenir une troisième guerre entre le Liban et Israël, qui provoquerait des milliers de victimes, de déplacés et de réfugiés. Face à ce danger imminent – qui serait un « un autre Gaza » comme le craint le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres – la communauté internationale se mobilise pour éviter l’escalade que constituerait une invasion terrestre par Tsahal. Mais peut-elle être entendue ?

Ancienne puissance mandataire et « amie » traditionnelle du Liban, la France peine à se faire entendre. Il est vrai que les liens historiques entre Paris et Beyrouth, forgés par des siècles d’échanges culturels et diplomatiques, se sont largement distendus depuis l’ère Chirac. Empêtrée dans ses propres contradictions et affaiblie sur la scène internationale, la France n’a plus le poids d’autrefois pour peser sur le cours des événements dans la région et les interventions pressantes d’Emmanuel Macron restent vaines. L’Iran et es États-Unis parviendront-ils à lancer un appel à la retenue qui soit entendu par le Hezbollah et par Benyamin Netanyahou – ce dernier semblant exclure toute possibilité de solutions négociée ?

Les stratégies des deux parties sont aussi brumeuses et incertaines que les conséquences d’un conflit apparaissent claires quant à la déstabilisation durable et irréversible de la région. Face à cette guerre imminente, et alors que l’anniversaire des massacres du 7 octobre interviendra dans douze jours, existe-t-il encore un chemin pour la paix ? « C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances et c’est notre regard qui peut aussi les libérer », estime l’écrivain libanais Amin Maalouf. Il est encore temps que les regards changent au Proche-Orient.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 25 septembre 2024)

Posts les plus consultés de ce blog

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparation po

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu