À la question de savoir si un débat télévisé dans le cadre d’une élection présidentielle peut tout changer, la réponse est évidemment oui. La preuve la plus éclatante a d’ailleurs été donnée cette année avec le débat entre Joe Biden et Donald Trump le 27 juin dernier. La prestation catastrophique du président démocrate sortant a ainsi conduit à son retrait de la course et son remplacement express par sa vice-présidente Kamala Harris. Un spectaculaire rebondissement survenu quelques jours après l’attentat dont avait été victime Donald Trump et qui laissait dire que ce dernier était quasi-élu. Grave erreur : dans cette folle campagne pour conquérir la Maison Blanche, tout semble possible et tout peut arriver à tout instant. Le débat de ce soir entre Donald Trump et Kamala Harris sera-t-il lui aussi un moment de bascule ?
En tout cas cet exercice, inauguré à la télévision en 1960 par John F. Kennedy qui était opposé à Richard Nixon, et suivi tous les quatre ans par des dizaines de millions d’Américains, a souvent bouleversé le cours des campagnes électorales. Kennedy montrera sa maîtrise de la caméra face à un Nixon mal à l’aise et transpirant. En 1976, en pleine Guerre froide, en affirmant qu’ « il n’y a pas de domination soviétique en Europe de l’Est et il n’y en aura jamais sous une administration Ford », le président sortant Gérald Ford commet une bourde qui laisse des traces. Il sera battu par le démocrate Jimmy Carter. En 1984, le républicain Roland Reagan, 73 ans, est confronté à une question sur son âge pour solliciter un second mandat. L’ex-acteur s’en sort avec humour : « Je ne ferai pas de la question de l’âge un élément de cette campagne. Je n’exploiterai pas, pour des raisons politiques, la jeunesse et l’inexpérience de mon adversaire », lance-t-il face à son concurrent de 56 ans, le démocrate Walter Mondale, qui racontera des années plus tard qu’il a su à ce moment-là qu’il avait perdu l’élection.
À 78 ans, Donald Trump aura tout de même du mal à suivre les traces de Reagan face à Kamala Harris, 59 ans. Nul ne sait sur quoi ce débat va déboucher entre les deux candidats qui vont se parler face à face pour la première fois. Distancé légèrement dans les sondages et très fortement dans les levées de fonds, Donald Trump va creuser son sillon en diabolisant son adversaire, cette radicale d’extrême gauche « devenue noire pour des raisons électorales », souvent qualifiée de « folle » ou de « menteuse ». Reprenant son mantra de 2016 – Make America Great Again – maniant les fake news et les arguments simplistes du « moi ou le chaos », le républicain espère conquérir les abstentionnistes. L’ex-vedette de téléréalité n’aura pas de mal à faire le show devant la caméra, on se rappelle encore son attitude machiste lors du débat avec Hillary Clinton en 2016.
Pour Kamala Harris, ce débat est capital. Bien que portée par un réel enthousiasme, la candidate est encore méconnue d’une partie des Américains et doit se distinguer de Joe Biden qui s’érigeait en rempart pour défendre la démocrate et avait tout misé sur une élection-référendum contre Trump. Sans abandonner cet argument, Harris veut aussi se reconnecter avec une working class tentée par Trump et qui ne voit pas les bons résultats économiques de Biden dans son quotidien. Moins à l’aise en interview ou en débat, l’ex-procureure de Californie sait toutefois manier le sens de la réplique et a promis de ne rien lâcher face au « délinquant » Trump.
Qui va marquer des points ? Verdict demain.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 10 septembre 2024)