S’il y a bien un mot dont les responsables politiques usent – et parfois abusent – à tout bout de champ, c’est bien celui de « responsabilité », qui caractériserait forcément leur action ou dont ils appellent leurs adversaires et les Français à faire preuve en toutes circonstances. Hier, il a pourtant semblé faire défaut aux ministres démissionnaires de l’Économie Bruno Le Maire et des comptes publics Thomas Cazenave lorsqu’il s’est agi pour eux d’expliquer le nouveau dérapage des comptes publics dont le déficit pourrait s’établir à 5,6 % du PIB à la fin de l’année contre 5,1 % prévus.
La première explication fournie aux parlementaires des Commissions des Finances de l’Assemblée et du Sénat – qui pressaient les ministres de leur communiquer les éléments préparatoires à l’élaboration du prochain Budget 2025 – est que le dérapage est imputable, notamment, à l’« augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités ». Ce surcroît de dépenses pourrait « dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros » par rapport à la trajectoire de déficit envoyée à Bruxelles au printemps, estiment les ministres qui ont, sans surprise, déclenché la colère des élus locaux.
Les représentants des communes et intercommunalités, départements et régions sont montés au créneau pour dénoncer des accusations infondées et la « techno-dinguerie » de Bercy pour reprendre l’expression du président du Conseil départemental de Haute-Garonne Sébastien Vincini. Les élus locaux, qui réclament régulièrement depuis 2017 à Emmanuel Macron davantage de décentralisation, un vrai « droit à la différenciation », l’élargissement de leurs compétences et les budgets pour y parvenir, rappellent au gouvernement démissionnaire qu’eux présentent chaque année des budgets à l’équilibre, que sur 3 100 milliards de dette, les collectivités ne représentent que 9 % du total et qu’en 2023, le déficit public des collectivités n’était que de 5,5 milliards d’euros contre 157 pour les administrations d’État.
La seconde explication fournie par le duo ministériel de Bercy est que les recettes fiscales sont inférieures aux prévisions, ce qui revient tout de même à dire que le gouvernement, péchant par optimisme, s’est bel et bien trompé dans ses prévisions et notamment celles sur la croissance, qui dépend pour partie de la politique économique qui est conduite. Les oppositions ne s’y sont pas trompées et ont dénoncé hier le manque de sérieux budgétaire et l’échec de la politique de l’offre mise en place par Emmanuel Macron, qui vaut à la France la dégradation de sa note par plusieurs agences de notation et une procédure pour déficit excessif déclenché par la Commission européenne.
Face à cette situation inquiétante – déficit qui se creuse et dette colossale – que dénonce la Cour des comptes, on voit mal comment l’épineux prochain Budget pourrait n’être uniquement que la continuation des choix politiques menés jusqu’ici ou un budget exclusivement d’austérité. Une inflexion nette est plus que nécessaire ; et cette alternative-là a d’ailleurs été réclamée par les Français lors des dernières législatives.
La responsabilité serait de ne pas l’oublier…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 4 septembre 2024)