Accéder au contenu principal

Quelle école ?

 

école

À l’été 2023, dans une interview au Point, Emmanuel Macron annonçait que « l’école est devenue un sujet régalien. C’est dans les salles de classe que se murmure la France et que s’apprennent nos valeurs ». Et le chef de l’État d’indiquer que, « compte tenu des enjeux », « l’éducation fait partie du domaine réservé du Président. » Un domaine réservé qui s’appliquait traditionnellement jusqu’alors à la défense et aux Affaires étrangères.

Que le chef de l’État érige ce domaine essentiel pour le pays en priorité nationale n’était en soi pas une mauvaise idée, mais le revers de la médaille est qu’en faisant cela Emmanuel Macron a dès lors court-circuité son ministre de l’Éducation nationale – mais n’était-ce pas déjà le cas avant ? – et substitué une volonté de favoriser les initiatives du terrain, sans cesse mise en avant, à des injonctions venues de Paris. Au risque de paralyser un système éducatif déjà bien grippé.

Surtout, six après son accession à l’Élysée, Emmanuel avait un peu plus brouillé son message sur l’Éducation. Au point que tous les acteurs se demandent toujours qu’est-ce que l’école pour Emmanuel Macron ? Celle du dogmatique Jean-Michel Blanquer, qui réforma à la hussarde le baccalauréat ? Celle de Pap Ndiaye, son exact contraire nommé pour apaiser le corps enseignant mais qui n’a rien pu réellement faire, sans cesse accusé de « wokisme » par la droite et l’extrême droite ? Celle de l’ambitieux Gabriel Attal, éphémère ministre et as de la communication, qui n’aura jamais eu à mettre en place son « choc des savoirs » opportunément présenté le jour de la publication de résultats PISA catastrophiques pour la France ? Celle de la suffisante Amélie Oudéa-Castera, qui s’est noyée dans ses polémiques, faute d’en mesurer les dégâts ? Celle de Nicole Belloubet, sans doute la plus compétente de tous, nommée pour éteindre l’incendie et qui n’a pas eu le temps d’imprimer sa marque ? Ou peut-être celle de Brigitte Macron, l’ancienne professeure de lettre du lycée privé La Providence d’Amiens, très présente auprès de tous ces ministres ?

Le monde enseignant en était là de ses interrogations avant de découvrir, médusé, le nom de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale du gouvernement Barnier le 21 septembre : Anne Genetet. On ne pouvait faire plus éloigné du monde de l’Éducation : cette députée des Français de l’étranger est spécialisée dans les questions de Défense, sa méconnaissance du monde éducatif est vécue comme une provocation par les syndicats enseignants. Tout comme celle de son ministre délégué Alexandre Potier, ardent défenseur de l’enseignement privé… On est, à l’évidence, très loin des ministres poids lourds comme le furent François Bayrou ou Lionel Jospin, qui, au moins, avait montré un intérêt certain pour l’école et dessiné une vision, qu’on la conteste ou qu’on y adhère.

Si la nomination d’Anne Genetet inquiète, c’est aussi parce que les chantiers sont nombreux, au premier rang desquels l’insupportable pénurie d’enseignants. Dans un contexte de déficit budgétaire abyssal où chaque ministre va se battre pour ses crédits, Mme Genetet – qui ne doit sa nomination qu’à sa proximité avec Gabriel Attal – peut-elle tenir tête au droitier ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, devant elle dans l’ordre protocolaire ? Il n’y a plus qu’à espérer qu’au sommet de l’État, on se souvienne du mot de Victor Hugo – « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons » – et qu’on donne les moyens humains et financiers à des enseignants mieux considérés pour que l’école publique réalise vraiment la promesse émancipatrice de la République.

(Editorial publié dans La Dépêche du lundi 30 septembre 2024)


Posts les plus consultés de ce blog

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparation po

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah –