Accéder au contenu principal

L'Europe au pied du mur

electric car

En décidant de fixer à 2035 la date à partir de laquelle plus aucune voiture thermique neuve ne sera vendue en Europe, l’Union européenne s’est-elle tirée une balle dans le pied ? Cette décision, prise au nom de la transition écologique et énergétique vers la voiture électrique a-t-elle précipité le secteur automobile qui, avec les États-Unis, a dominé le XXe siècle dans un océan de difficultés ? En tout cas, l’euphorie des dernières années autour de la voiture électrique semble marquer le pas. Les chiffres d’immatriculations en France pour août 2024 sonnent comme une première alerte : – 32,4 % par rapport à août de l’an dernier. Un coup de frein qui invite à s’interroger sur l’avenir de cette technologie, longtemps présentée comme la panacée pour décarboner nos transports et sur les raisons de la baisse d’intérêt des automobilistes. Voitures trop chères ? Aides trop complexes ou revues à la baisse ? Manque de bornes de recharge ?

Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité économique du Vieux continent, remis à Ursula von der Leyen lundi, vient de plus jeter un pavé dans la mare. Très critique, l’ancien patron de la BCE appelle à un plan d’action industriel spécifique à l’automobile et préconise de revoir le calendrier de l’interdiction des véhicules thermiques neufs. Une remise en question qui fait grincer des dents à Bruxelles, mais qui trouve un écho favorable dans plusieurs capitales européennes et chez les constructeurs.

Il est vrai que les enjeux sont colossaux, d’autant que la transition vers l’électrique ne se résume pas à une simple question technologique. Elle soulève des problématiques géopolitiques majeures, notamment autour de l’approvisionnement en minerais critiques. Lithium, cobalt, nickel : l’Europe se retrouve dépendante de pays tiers, parfois instables, pour ces ressources stratégiques. La République démocratique du Congo, qui concentre plus de 60 % des réserves mondiales de cobalt, cristallise les inquiétudes. Les conditions d’exploitation, souvent opaques, posent question. Sans parler des risques de déstabilisation politique que fait peser cette manne sur la région. Une enquête implacable, « Barbarie numérique, une autre histoire du monde connecté » de Fabien Lebrun va d’ailleurs être publiée aux éditions de L’Échappée.

Dans ce paysage, la Chine a, d’évidence, pris une longueur d’avance : en s’assurant le contrôle de gisements clés à travers le monde, en subventionnant massivement le secteur, en investissant fortement en recherche et développement, le pays domine la chaîne de valeur, de l’extraction à la production de batteries et à la fabrication de voitures aux prix défiants toute concurrence.

L’Europe, prise de court, tente de rattraper son retard et impose des taxes douanières mais le chemin sera encore long pour retrouver le leadership d’antan. Les déboires de Volkswagen, qui va fermer une usine pour la première fois depuis 87 ans, en sont l’illustration : au manque d’anticipation sur l’électrique du géant allemand s’est ajoutée la facture du scandale du dieselgate.

Pour autant rien n’est perdu pour l’Europe à condition de repenser son approche. Elle doit diversifier ses sources d’approvisionnement, accélérer la recherche sur les technologies alternatives (hydrogène ou carburants de synthèse) et repenser ses modèles de mobilité dans leur ensemble à l’heure où se profilent, déjà, les nouvelles générations de batteries.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 11 septembre 2024)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...