Sécheresses à répétition, toujours plus intenses, inondations dévastatrices comme encore récemment dans la vallée d’Aspe, coulées de boues, tempêtes destructrices, phénomènes cévenols, typhon et ouragans… En France comme au bout du monde, le changement climatique n’est plus une menace lointaine, mais le quotidien de millions d’hommes et de femmes. Et ces aléas climatiques ont un coût, que nous payons tous chaque année un peu plus cher. Les primes d’assurance, en effet, s’envolent sous le poids des catastrophes naturelles qui se multiplient. Un cercle infernal qui met à rude épreuve le système assurantiel français.
Les chiffres de France Assureurs donnent effectivement le vertige. En 2023, les catastrophes climatiques ont coûté 6,5 milliards d’euros aux assureurs. De 1989 à 2019, ces derniers ont indemnisé 12,9 millions de sinistres pour 74,1 milliards d’euros ! Et ce n’est que le début. Les experts estiment que la facture pourrait doubler d’ici 2050. Face à cette réalité implacable, les assureurs n’ont d’autre choix que d’augmenter les primes. Une hausse qui pourrait atteindre 130 à 200 % dans les trente prochaines années. Le système, d’évidence, est à bout de souffle. Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit Cat-Nat, fierté française depuis 1982, montre ses limites. Basé sur la solidarité nationale, il permet une couverture large des risques naturels, mais jusqu’à quand ? Les réassureurs, ces assureurs des assureurs qui tenaient congrès à Monaco récemment, tirent la sonnette d’alarme. Certains se retirent déjà du marché, jugé trop risqué.
Pris en étau entre l’explosion des sinistres et la nécessité de rester rentables, les assureurs cherchent des solutions, mais la tâche est ardue. Comment maintenir une couverture large tout en maîtrisant les coûts ? Comment inciter à la prévention sans exclure les plus vulnérables ? Face à ce défi colossal, un rapport pour « Adapter le système assurantiel face aux risques physiques posés par le changement climatique », remis en avril, a émis 37 recommandations. Parmi elles, renforcer la prévention, ce qui passe par une meilleure information du public, des normes de construction plus strictes et des incitations financières pour adapter les logements ; et repenser le financement du régime Cat Nat. Il faut aussi innover : l’intelligence artificielle peut améliorer la modélisation des risques ; la prévision des catastrophes peut être affinée.
Des mesures évidemment nécessaires mais qui ne suffiront sans doute pas, car c’est tout notre modèle de développement qu’il faut repenser en profondeur, tant dans l’aménagement urbain qui doit tenir mieux compte des zones à risques, les techniques de construction des bâtiments qui doivent être mieux adaptées aux aléas climatiques et plus généralement notre mode de vie et de déplacement qui doit autant que faire se peut éviter d’aggraver le changement climatique.
Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), mis sur pause avec la dissolution, offre une opportunité unique de repenser notre approche. Les urgences ne manquent certes pas pour Michel Barnier, mais celui qui fut ministre de l’Environnement et artisan du principe de précaution ne peut être insensible à l’adaptation de la France au réchauffement climatique.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 16 septembre 2024)