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En marche

 

compostelle

 

Depuis douze siècles des pèlerins convergent vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui, avec Jérusalem et Rome, est l’un des lieux des trois grands pèlerinages de la Chrétienté. Mais ceux qui marchent aujourd’hui sur les chemins de Compostelle ne le font pas seulement au nom de leur foi et n’arrivent pas forcément à la destination finale en Espagne. Les pèlerins du XXIe siècle ne font souvent qu’une partie seulement de l’itinéraire millénaire avec des motivations bien plus diverses. Passionnés de randonnée pédestre, amoureux des paysages ou des monuments qui jalonnent le parcours désormais bien balisé et en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, certains cheminent seuls, en couple ou en groupe pour accomplir une promesse personnelle, honorer un proche, rencontrer d’autres pèlerins de toutes nationalités ou tout simplement pour se retrouver soi-même.

Car la marche est bonne pour le corps et l’esprit. « Les seules pensées valables viennent en marchant » écrivait Nietzsche. Les philosophes de l’Antiquité, Platon, Aristote, Socrate marchaient et la littérature regorge d’écrivains-marcheurs qui ont livré de passionnants récits. Comme Rimbaud, Aragon, Colette, ou plus récemment Michel Serres – qui disait « penser avec les pieds » – et Sylvain Tesson… « Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle », écrivait Jean-Jacques Rousseau dans son dernier livre, « Les Rêveries du promeneur solitaire ».

Dans nos sociétés de plus en plus individualistes, dures, ou les liens sociaux se perdent dans les applications des smartphones, cette quête de soi et/ou des autres explique dès lors l’incroyable popularité des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. En 2011, 183 000 pèlerins arrivaient à Saint-Jacques, ils étaient 446 000 l’année dernière. Une fréquentation qui a connu une accélération après la période de la pandémie de Covid. Un tel succès, que l’on doit aussi aux collectivités locales, associations, gîtes, professionnels de l’hôtellerie-restauration qui ont joué le jeu pour accompagner les milliers de pèlerins, inquiète toutefois certains.

On est évidemment loin des problématiques de surtourisme que rencontrent Barcelone, les Baléares, les Canaries ou Venise, mais pour pouvoir répondre à la demande, certains, au nom du business et du développement économique, ouvrent de nouvelles branches sur la carte des chemins de Compostelle, au risque de les dénaturer. L’inauguration récente d’un tronçon de 330 kilomètres entre Orcival (Puy-de-Dôme) et Rocamadour (Lot) pose ainsi question, car la légitimité historique de ce nouvel itinéraire est largement controversée. Au point que l’Agence française des chemins de Compostelle refuse de le reconnaître. Car concilier l’accueil dans de bonnes conditions de milliers de pèlerins et la préservation de l’identité historique des itinéraires est la clé pour que les chemins de Compostelle continuent à conserver leur authenticité.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 5 août 2024)

 

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