La réception, ce dimanche en Ukraine dans un lieu tenu secret, des premiers avions de combats F-16 par Volodymyr Zelensky peut-elle constituer un point de bascule dans la guerre déclenchée par la Russie il a bientôt 900 jours ? Ou est-ce que ces avions réputés que le président ukrainien réclamait depuis des mois aux Occidentaux, arrivent-ils trop tard et en trop petit nombre pour pouvoir réellement redéfinir le rapport de force qui, pour l’heure, penche en faveur de la Russie ?
Il est encore trop tôt pour dire si ces appareils – qui vont être livrés très progressivement là où Zelensky assurait qu’il en faut 120 à 130 pour rivaliser dans le ciel avec les forces aériennes russes – seront le « game changer » qu’attendent des Ukrainiens épuisés.
En dépit de l’échec de la contre-offensive ukrainienne dans le sud du pays entre juin et octobre 2023 pour reprendre les territoires annexés par Moscou, le pays tient debout, coûte que coûte, vaille que vaille, avec cette résilience qui, depuis l’invasion russe, force le respect, mais aussi avec un courage et une ingéniosité qui ont permis à l’Ukraine de résister voire de marquer des points. Grâce à ses drones navals, l’Ukraine a ainsi infligé de lourds dégâts à la flotte russe au point de la contraindre à quitter sa base historique de Sébastopol.
Mais dans cette guerre d’attrition, les coups d’éclat comme la capacité à tenir autant que possible la ligne du front quand les hommes attendent la relève avec un manque criant de munitions, ne suffisent pas face à la supériorité numérique de la Russie. Petit à petit ces derniers mois, les soldats de Poutine ont engrangé des gains territoriaux près des territoires annexés, tandis que l’armée russe continue à lancer missiles et drones sur Kiev, sur Kharkiv et sur les infrastructures vitales de l’Ukraine, notamment le réseau électrique.
Dans cette troisième année de conflit, où pour l’instant ni Moscou, ni Kiev, ne sont en mesure de faire basculer le conflit de façon décisive, Volodymyr Zelensky a fait part de ses réflexions sur l’issue possible de la guerre dans un entretien à plusieurs médias. Le président ukrainien appelle une nouvelle fois les Occidentaux à honorer leurs promesses de livraisons d’armes et à l’autoriser à les utiliser pleinement contre l’ennemi. « Si, sur quatorze brigades, seules trois sont équipées, peut-on arrêter les Russes ? », interroge-t-il justement, tout en disant sa reconnaissance pour les milliards d’aide reçus, dont le niveau sera d’évidence amendé voire remis en question selon le résultat de l’élection présidentielle américaine.
Alors, après trente mois de confit et un premier sommet pour la paix en Suisse qui n’avait débouché sur rien en l’absence de la Russie, Zelensky évoque désormais des négociations et appelle la Chine à faire pression sur Moscou pour en ouvrir la voie d’ici le prochain sommet de novembre. En évoquant cette perspective de négociations, qui supposerait un cessez-le-feu, Zelensky marche sur un difficile chemin de crête : concéder une ouverture sur des sujets limités tout en préservant l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Mais Vladimir Poutine souhaite-t-il vraiment rouvrir la voie diplomatique et sortir d’une guerre d’usure ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 7 août 2024)