Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville.
Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le mercredi 28 mai et le lundi 2 juin, et espère que les départs pour le pont de l’Ascension pourront être maintenus. En attendant, il va falloir prendre son mal en patience et pour certains partir en quête de solutions de transports alternatives.
L’effondrement de la voie à Tonneins, s’il est dû à un événement climatique évidemment indépendant de la SNCF, n’en illustre pas moins la fragilité de nos infrastructures de transports face aux aléas climatiques, que ce soient des autoroutes ou des voies ferrées. On se rappelle à l’été 2023 la chute de 12 000 mètres cubes de roches sur l’autoroute A43 et la voie ferrée Lyon-Modane, qui avait paralysé la vallée de la Maurienne…
Pour la SNCF, l’entretien de son réseau est devenu une priorité et un défi. La conjonction de l’usure du temps et des effets croissants du changement climatique crée, en effet, une double pression sur des infrastructures déjà fragilisées. En 2025, le réseau ferroviaire français fait face à une situation préoccupante avec 4 000 km sur les 17 000 km de lignes qui sont en danger immédiat. Sans investissements supplémentaires, plus de 10 000 km pourraient être menacés dans la décennie à venir. Cette situation nécessite un financement urgent estimé à 4,5 milliards d’euros annuels dès 2028. Deuxième plus important d’Europe après l’Allemagne, le réseau français, avec près de 30 000 km de lignes exploitées, présente un âge moyen des voies de 30 ans, atteignant même 36,7 ans sur le réseau local. En 2024, 1 600 chantiers majeurs de régénération ont été menés, un record.
À cette vétusté s’ajoutent donc les effets du réchauffement climatique. En 2024, la SNCF a recensé 28 faits climatiques graves sur le réseau, c’est-à-dire des événements ayant entraîné des accidents ferroviaires. À côté se multiplient les nombreux autres événements climatiques qui affectent la régularité du service sans compromettre la sécurité ferroviaire.
Pour entretenir et sécuriser, l’argent reste bien sûr le nerf de la guerre. En février 2023, la première ministre Elisabeth Borne avait promis 100 milliards d’euros d’investissement dans le rail d’ici à 2040. Depuis, la dégradation des comptes publics est passée par là et à l’heure de la chasse aux économies, le plan est fragilisé. Il va falloir trouver de nouvelles pistes de recettes et parce que le rail est capital pour notre transition écologique, on a envie de paraphraser un célèbre slogan pour espérer qu’avec la SNCF, c’est possible.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 23 mai 2025).