Il y a le ciel, le soleil et la mer et vous avez bien l’intention d’en profiter en allant à la plage. À peine allongé sur le sable, ce n’est pas l’air du grand large que vous respirez mais les volutes de fumée de votre voisin de serviette… À la recherche d’un peu d’ombre et de fraîcheur vous vous installez dans un parc public mais l’odeur des fleurs est vite recouverte par celle du tabac. En attendant vos enfants devant l’école, vous voyez les bambins traverser la fumée de parents d’élèves qui ne trouvent rien de mieux que de griller une cigarette pour patienter. Ces situations trop banales de tabagisme passif seront bientôt de l’histoire ancienne, le gouvernement ayant décidé de bannir la cigarette à partir du 1er juillet sur la plage, dans les parcs et aux abords des écoles. Et on a envie de dire qu’il était temps.
Il était temps, parce que ces interdictions ciblées avaient été actées en novembre 2023 dans le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027. Il était temps aussi parce que le tabagisme passif est une réalité terrible aux conséquences dramatiques : l’exposition passive à la fumée du tabac fait entre 3 000 et 5 000 morts par an, les enfants voient augmenter leurs risques d’infections respiratoires, otites, asthme… et le risque de mort subite des nourrissons est multiplié par deux. Il était temps, aussi, que la majorité silencieuse des non-fumeurs soit un peu plus respectée et entendue par des fumeurs qui se croient tout permis dans les lieux accueillant du public.
Après les plages, les parcs et les abords des écoles, qui succèdent aux lieux de travail et aux transports collectifs, viendra certainement la question de savoir s’il faut étendre l’interdiction de fumer aux terrasses des cafés et restaurants. On entend déjà les critiques des fumeurs qui argueront qu’on attente à leur liberté, qu’on les discrimine, etc. Mais contrairement à ce qu’ils pensent et avec eux étrangement le ministre de la Santé, de telles mesures – plébiscitées par une majorité de Français et qui ont montré leur efficacité – ne sont pas prises « pour emmerder » les fumeurs, mais pour protéger la santé de tous.
Il est vrai que cette semaine, entre le vote à l’Assemblée de la proposition de loi Duplomb réautorisant un insecticide néonicotinoïde dangereux pour les abeilles et pour l’homme, et un autre supprimant les Zones à faibles émissions pensées pour diminuer les 40 000 décès annuels dus à la pollution, beaucoup se demandaient si la santé, supplantée par un démagogisme trumpiste et un populisme anti-écologiste, était encore une priorité. Nous voilà un peu rassurés sur le fait que le vrai « bon sens », c’est la santé d’abord.
Car le tabagisme malheureusement reste bel et bien un fléau : 75 000 morts par an, soit 13 % des décès, sont imputables au tabac qui est l’un des principaux facteurs de risques de cancer. Des cancers qui touchent particulièrement les plus modestes, puisque les personnes issues des catégories sociales les moins favorisées (les moins diplômées et aux plus faibles revenus) sont plus nombreuses à fumer, selon les statistiques de l’Institut national du cancer.
Le devoir de l’État est donc bien de prendre des mesures « contre » le tabac, avec notamment l’interdiction de fumer dans certains lieux, mais aussi « pour » les fumeurs – et notamment les jeunes – en les aidant à se passer de leur addiction. C’est le seul moyen pour atteindre l’objectif d’une génération sans tabac en 2032…
(Editorial publié dans La Dépêche du samedi 31 mai 2025)