La succession des ponts du mois de mai a relancé le sempiternel débat sur les jours fériés en France, leur nombre et le niveau de productivité des Français. Un débat devenu un véritable marronnier qui commence toujours par le même constat, se poursuit par un emballement médiatico-politique où droite et gauche s’invectivent, puis finit par s’éteindre jusqu’à la prochaine fois.
L’automne dernier, alors que le gouvernement Barnier cherchait quelque 60 milliards d’économies pour le Budget 2025 afin d’éponger un déficit abyssal – 6,1 % du PIB et 3 230 milliards d’euros de dette – Gérald Darmanin avait lancé l’idée de supprimer un jour férié pour renflouer les caisses de l’État. Celui qui n’était alors pas encore redevenu ministre mettait ses pas dans ceux de Jean-Pierre Raffarin. En 2004, le Premier ministre instaurait, en effet, la « journée de solidarité » en supprimant le lundi de Pentecôte. Une décision prise dans l’urgence après la meurtrière canicule de 2003. Cette journée travaillée mais non payée devait rapporter 2,4 milliards d’euros par an à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Si les recettes ont été au rendez-vous, leur utilisation est restée opaque et la question du financement de la dépendance toujours pas résolue vingt ans plus tard…
Ces jours-ci, à la faveur des suppliques de certains boulangers désireux de pouvoir travailler le 1er-Mai, le débat a rebondi avec de nouvelles idées. D’un côté, une proposition de loi, déposée par Annick Billon, sénatrice de Vendée, et Hervé Marseille, président du groupe Union centriste, entend « adapter le droit aux réalités du terrain » en modifiant le Code du travail pour permettre le travail le 1er-Mai notamment. De l’autre, le député LFI Antoine Léaument propose de supprimer certains jours fériés « associés à la religion »… et d’en créer un nouveau, le 18 mai pour commémorer la Commune de Paris.
La plupart des contributeurs à ce débat « essentiel » penchent toutefois pour la suppression d’un second jour férié mais est-ce réellement pertinent ? D’abord, les Français ne sont pas des privilégiés en matière de jours fériés puisqu’avec 11 jours fériés légaux, notre pays se situe dans la moyenne européenne. L’Espagne en compte 14, l’Italie 11, et l’Allemagne entre 9 et 13 selon les Länder.
La deuxième idée reçue sans cesse rebattue est que, les Français ne travaillant pas assez, il serait utile de supprimer un jour férié. Là aussi, il convient de nuancer. Selon les données de l’OCDE, en 2022, la France se classait au 6e rang en termes de productivité en Europe, derrière l’Irlande, le Luxembourg, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas. Et si la productivité du travail en France a traversé un long passage à vide entre la crise sanitaire et la fin 2022, elle s’est ensuite redressée, progressant au rythme annuel de + 1,3 % depuis le début de 2023, selon une note de l’OFCE publiée ce mois-ci. Si la productivité française a bien repris des couleurs, elle n’a, en revanche, pas retrouvé son niveau de fin 2019 contrairement à nos voisins européens et reste 5 % derrière eux. Mais l’OFCE ajoute que cette faible productivité française s’explique surtout par les politiques publiques mises en place dans le cadre du Plan de relance et notamment celles de soutien à l’apprentissage et aux entreprises ou encore celles de baisse du coût du travail.
Évidemment s’atteler à trouver des solutions efficaces à une situation socio-économique complexe, en associant les partenaires sociaux, est plus difficile que de céder à la tentation démagogique de brandir chaque année la suppression d’un jour férié, qui plus est au moment où les Français soufflent un peu en faisant le pont…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 2 mai 2025)