Le hasard, tragique, aura voulu que ce jeudi 8 mai, alors que le monde célèbre le 80e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, surgisse la crainte de voir advenir une guerre totale entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires qui se toisent et s’affrontent depuis 1947 autour de la région du Cachemire. En réplique à l’assassinat de 26 touristes indiens le 22 avril, Narendra Modi a ordonné de frapper des cibles dans le Pakistan voisin, ainsi que dans la partie du Cachemire contrôlée par Islamabad, et affirme depuis avoir visé exclusivement des « infrastructures terroristes ».
Le Pakistan, prenant le monde à témoin, promet des représailles. Et tandis que la communauté internationale appelle « à la retenue », dans les deux pays – qui ont considérablement renforcé leurs capacités militaires depuis leur ultime confrontation en 2019 – les discours de haine se propagent sur les réseaux sociaux, des drapeaux adverses sont brûlés ou piétinés en pleine rue. Les diatribes nationalistes se diffusent sans frein. On mesure alors ce que disait Français Mitterrand, qui connut comme tant d’autres la Seconde guerre mondiale : « le nationalisme, c’est la guerre ».
Cela se vérifie hélas toujours dans tous les conflits, de l’Ukraine à Gaza en passant par toutes ces guerres qu’on néglige, en Somalie, au Yémen, en République démocratique du Congo. Sans oublier les guerres internes, terribles car silencieuses, contre les femmes en Iran, en Afghanistan. Guerres conventionnelles, de haute intensité avec de nouvelles armes comme les drones ou le recours à l’intelligence artificielle, mais aussi guerres hybrides où la manipulation de l’information et les opérations d’influence sur internet sont devenues la règle.
80 ans après le 8-Mai, sous le coup des nationalismes et des autoritarismes qui fragilisent les démocraties et l’État de droit avec le dessein revendiqué de mettre à bas l’ordre multilatéral patiemment construit depuis 1945, le temps des guerres semble de retour. Un sondage Elabe publié hier montre d’ailleurs que 75 % des Français sont inquiets que le conflit en Ukraine se propage à d’autres pays proches de la Russie (Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Moldavie, Roumanie…), même si l’inquiétude qu’il se propage jusqu’en France recule de 6 points, à 54 %. Et surtout un Français sur deux estime qu’il y a un risque de conflit mondial ; un sentiment plus largement répandu auprès des 25-49 ans (60 %).
On se sait pour l’heure ce qui va se passer dans les heures, les jours, les mois qui viennent dans le Cachemire, sur le Front ukrainien ou dans la bande de Gaza, mais à l’heure où aux États-Unis certains théorisent l’époque des Lumières noires, il est urgent que s’élèvent les voix de la paix, les voix européennes qui ont connu sur leur sol deux Guerres mondiales.
Demain, nous allons célébrer la Journée de l’Europe, qui commémore la Déclaration Schuman du 9 mai 1950, mais symbolise aussi la paix entre la France et l’Allemagne et les valeurs humanistes, celle des Lumières qu'il faut chérir et défendre. Car elles résistent toujours et finissent par triompher de la noirceur des temps de guerre.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 8 mai 2025)