Accéder au contenu principal

Poutine Potemkine

poutine

Les années se suivent et se ressemblent sur la place Rouge. Depuis 2022 et l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine s’est approprié le Jour de la Victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie, célébrée chaque 9 mai, pour en faire un pur exercice de propagande teinté de révisionnisme. Le parallèle entre la Seconde Guerre mondiale et le conflit actuel en Ukraine est ainsi devenu un élément central de son discours, la Russie étant systématiquement présentée comme le pays agressé et non comme l’agresseur qu’il est. Pour justifier son "opération spéciale" d’envahissement de son voisin il y a un peu plus de trois ans, Vladimir Poutine a même invoqué la "dénazification" de l’Ukraine…

Cette année encore, le maître du Kremlin devrait saluer les soldats russes combattant dans le Donbass, les présentant comme l’égal des "héros" de la patrie d’il y a 80 ans. Et se gargariser d’avoir réussi – en dépit des pressions occidentales et des menaces ukrainiennes de ne pas respecter "sa" trêve – à faire venir à la tribune une trentaine de chefs d’État, dont le chinois Xi Jinping, le brésilien Lula, qui voudrait jouer un rôle de médiateur dans le conflit, et une kyrielle de dirigeants, autocrates alliés traditionnels de la Russie. Tous assisteront à une parade militaire millimétrée… mais qui aura tout du village Potemkine.

Les uniformes lustrés des troupes et les armes rutilantes masqueront, en effet, une réalité bien moins reluisante. Celle où la puissante armée russe – qui escomptait s’emparer de l’Ukraine en quelques jours avec une Blitzkrieg – n’est pas parvenue à dominer l’incroyable et ingénieuse résistance ukrainienne ni à détacher les Ukrainiens de leur président-courage Volodymyr Zelensky ; celle où l’on a vu un matériel militaire russe vieillissant et de jeunes soldats désemparés ; celle où la Russie a dû faire appel aux drones iraniens, à des troupes de la Corée du Nord et peut-être même de Chine pour tenir le front ; celle où les pires exactions ont été menées par des mercenaires de Wagner ; celle où l’armée russe a, certes, repris la région de Koursk conquise à l’été 2024 par Kiev, mais ne grignote plus que quelques kilomètres carrés le long de la ligne de front ; celle où le nombre exact de soldats morts est secret d’Etat, l’évoquer passible de prison.

La réalité dont ne parlera pas Poutine à ses invités, c’est aussi qu’en dépit des volte-faces d’un Donald Trump pourtant beaucoup mieux disposé à son égard que Joe Bien, il n’est pas parvenu à obtenir de lui une paix ni même un cessez-le-feu à son avantage ; il n’a pas pu empêcher l’Ukraine de signer un accord sur les minerais avec les États-Unis ; il n’a pas divisé l’Union européenne mais au contraire l’a ressoudée, derrière Zekensky et autour d’un plan colossal de réarmement de 800 milliards d’euros.

Enfin derrière sa parade d’un autre temps, Poutine ne dira rien de la réalité socio-économique de son pays. Le président russe n’a plus guère de nouvelles recettes fiscales, pas de nouveaux revenus pétroliers venant de sa flotte fantôme et toutes les recettes de l’État sont en train de diminuer quand l’inflation galope. Quoi qu’il en dise les sanctions occidentales pèsent lourd et l’économie russe, si elle connaît quelques éclaircies savamment mise en scène dans les médias d’État, est bien en deçà de ce qu’elle était avant la guerre.

Le 4 mai dernier un documentaire à sa gloire a été diffusé à la télévision russe présentant Poutine comme "irremplaçable", mais après 25 ans de pouvoir, le maître du Kremlin est confronté au plus redoutable adversaire des dictatures : la roue du temps qui passe, contre laquelle aucune parade, ni aucun mensonge, ne tient.

 

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...