Les travaux sur le chantier de l’autoroute A69 Castres-Toulouse, suspendus depuis trois mois, vont-ils reprendre ? La réponse à cette question doit être tranchée à partir de ce mercredi par la cour administrative d’appel de Toulouse qui doit se prononcer sur un sursis à exécution de la décision historique et inédite rendue le 27 février. Alors que le chantier, à la fois controversé et attendu depuis près de 40 ans, était très bien avancé, les magistrates du tribunal administratif avaient ce jour-là suivi les réquisitions de la rapporteure générale, estimé que le projet ne relevait pas d’un intérêt public majeur, et annulé ses autorisations environnementales, déclenchant de facto l’annulation des arrêtés préfectoraux autorisant les travaux. Et donc imposant l’arrêt immédiat de ceux-ci.
Cette décision avait résonné comme un coup de tonnerre, en Occitanie et au-delà. Coup de tonnerre pour l’A69 bien sûr, comme pour tous les grands chantiers d’aménagement en France, désormais eux aussi susceptibles de se retrouver dans une situation similaire. Les défenseurs de l’environnement et de la biodiversité se sont réjouis de la décision toulousaine, espérant qu’elle fasse jurisprudence ; nombre d’élus locaux se sont, a contrario, interrogés sur la possibilité de conduire à terme des projets désenclavants ou structurants qu’ils jugent, eux, d’intérêt public majeur. Dans ce contexte, plusieurs élus occitans ont alors déposé une proposition de loi voulant valider les autorisations environnementales des projets d’infrastructure déclarés d’utilité publique, comme l’A69. Ce qui ne va pas sans soulever un problème constitutionnel quant à la séparation des pouvoirs et la garantie de pouvoir faire des recours.
Mais quelle que soit la décision que va prendre le tribunal administratif de Toulouse dans ce dossier qui fait s’échauffer les esprits, il devient en tout cas urgent de prendre de la hauteur et de regarder au-delà de l’A69 pour préparer l’avenir. Face à la montée des contentieux et des tensions autour des grands projets – soutenus d’ailleurs souvent par une majorité de Français – plusieurs pistes de réforme doivent, en effet, urgemment être discutées, à commencer par les délais scandaleusement interminables d’instruction des projets.
L’A69, la LGV Bordeaux-Toulouse, celle de Montpellier-Perpignan pour ne prendre que des projets régionaux emblématiques sont dans le débat public depuis des décennies au point parfois de s’y être enlisés, et cela au détriment des populations et des entreprises du territoire qui se sentent à raison discriminées. De telles situations ne sont sérieusement plus admissibles au XXIe siècle.
Réduire les délais contentieux sans sacrifier les garanties doit être possible ; renforcer la démocratie participative en associant citoyens, collectivités et ONG dès la phase de conception des projets et pas uniquement dans le cadre formel d’une enquête publique doit être, là aussi, possible ; avoir un cadre législatif stable et prévisible avec un code de l’aménagement durable unifiant les règles doit être, là encore, possible ; et, enfin, définir des zones de désenclavement prioritaire bénéficiant de procédures accélérées sur des critères objectifs (isolement, accessibilité, attractivité…) doit être plus que possible, réalisable.
Autant de pistes pour concilier aménagement du territoire, impératifs écologiques et respect des règles de droit, qui méritent d’être travaillées collectivement pour peu qu’il y ait du courage et du sérieux politique et citoyen.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 28 mai 2025)