Le baromètre national des entreprises réalisé par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de commerce, Infogreffe et Xerfi Spécific est riche d’enseignements car il dresse un portrait de la situation économique et de celles de l’entrepreneuriat en France pour le moins nuancé, comme à la croisée des chemins. D’un côté, il a effectivement des chiffres alarmants avec, pour le premier semestre 2024, des niveaux historiques pour les procédures collectives (+ 20,5 %) et les liquidations judiciaires (+ 66,1 %). De l’autre, en dépit de ces défaillances des entreprises – conséquence des difficultés qu’elles rencontrent – l’envie des Français de « créer leur boîte » reste bien présente et augmente même de façon significative par rapport à 2023 (+ 9 %). Une lumière d’optimisme donc dans un océan de pessimisme.
Pour faire baisser les unes et augmenter les autres, il faut donc chercher à comprendre pourquoi tant d’entreprises périclitent. Pour certains experts économiques, la défaillance à la hausse procède d’un rattrapage après la fin des aides d’urgence massives mises en place par l’État au moment de la crise Covid. Patrick Senicourt, président de Nota-PME, a récemment souligné que beaucoup de sociétés sont entrées en défaillance en raison du remboursement trop rapide des prêts garantis par l’État (PGE) octroyés durant la pandémie. Il est vrai que l’État et son « quoi qu’il en coûte » avait largement soutenu les entreprises pour éviter qu’elles ne soient englouties par les confinements du Covid qui avaient mis un brutal coup d’arrêt à l’économie. Une politique saluée par les Français et qui a permis à l’économie française de résister et d’être plus résiliente que celle de certains de nos voisins. Mais d’autres experts estiment au contraire que la hausse des défaillances illustre davantage des fragilités du tissu productif hexagonal beaucoup plus profondes.
Quelle doit être l’action de l’État pour soutenir les entreprises ? Quelles aides doivent être mises en place, pérennisées ou supprimées dans tel ou tel secteur ? Faut-il des contreparties aux aides ou les soumettre à des conditions d’éligibilité plus encadrées ? Toutes ces questions devraient faire l’objet d’un débat de fond, loin des postures, surtout dans un pays qui aspire à la souveraineté économique et à la réindustrialisation. Les élections législatives auraient dû ouvrir ce débat-là, certes technique vu le foisonnement des dispositifs – il en existe quelque 2 000 – mais essentiel à l’heure de la maîtrise des comptes publics.
Las ! Ce sujet et plus particulièrement les défaillances d’entreprises a été finalement peu évoqué pendant la campagne des législatives. Cette absence de débat et aussi le manque de visibilité sur la politique économique à venir suscitent chez les chefs d’entreprise de l’inquiétude. Le prochain gouvernement, quel qu’il soit, devra ainsi s’appliquer à les rassurer, ce qui ne saurait dire rester dans le statu quo. Rappelons que la Cour des comptes a estimé à 260,4 milliards d’euros de 2020 à 2022 le soutien financier total de l’État aux entreprises soit 10 % du PIB. Si ce montant exceptionnel et temporaire est amené à baisser, il reste évidemment légitime de questionner le bien-fondé et l’efficacité des aides.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 16 août 2024)