Accéder au contenu principal

Avec modération

alcool


Au pays qui a fait de la gastronomie et du vin, deux éléments de son patrimoine reconnu dans le monde entier, peut-on imaginer se passer complètement d’alcool durant un mois ? Posée quelques jours avant les réveillons de Noël et du Nouvel an, deux fêtes forcément très arrosées, cette question presque provocatrice n’a pas manqué de susciter le type de débats enflammés dont nous sommes coutumiers, mais aussi une polémique au sommet de l’Etat.

D’un côté, les professionnels du vin, qui dénoncent régulièrement les restrictions à la consommation, bataillent depuis presque 30 ans contre la loi Evin réglementant la publicité, et hurlent à la dictature hygiéniste ou puritaine quand on évoque cette opération "Janvier sans alcool". Défendant une filière qui représente des milliers d’emplois, ils mettent aussi en avant le côté culturel du vin à la table des Français. Difficile de leur donner tort sur ce point. Au pays de Rabelais, de Bocuse ou de Daguin, imaginerait-on un repas festif sans une goutte d’alcool ? Ce serait sans doute comme un été sans soleil.

De l’autre côté, le collectif d’associations qui promeut ce "Janvier sans alcool" – né au Royaume-Uni en 2013 et aujourd’hui présent dans 14 pays – réfute vouloir parvenir à la prohibition des vins et spiritueux. Ces associations souhaitent qu’après les fêtes chacun puisse faire le point sur sa propre consommation, de façon ludique en relevant ce défi de trente jours.

Entre ces deux camps difficilement conciliables, on aurait attendu de l’Etat qu’il fasse un intelligent "en même temps". Reconnaître bien sûr l’apport culturel incontestable du vin, mais admettre aussi que l’alcool est une question de santé publique majeure en France qui mérite une campagne d’information comme "Janvier sans alcool". Au lieu de cela, à force d’atermoiements, l’Etat s’est défaussé, renonçant à porter l’opération et laissant même accroire l’idée qu’Emmanuel Macron, qui se targue de boire du vin midi et soir, y avait mis son veto…

Au-delà de ce "Janvier sans alcool", afin d’éviter les fake news et les idées préconçues, il serait sans doute bon que chacun consulte simplement les chiffres de la consommation d’alcool en France et les conséquences de celle-ci. Si elle a énormément baissé en 80 ans et s’est stabilisée, la consommation des Français reste parmi les importantes au monde et l’alcool tue en France 41 000 personnes chaque année. Et parmi les principales victimes, les gros buveurs mais aussi les jeunes.

On sait depuis longtemps qu’il faut "consommer avec modération". Quand il s’agit de défendre le bonheur de boire un bon vin et de lutter contre les addictions, il serait bon qu’on arrive à débattre avec modération.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 4 janvier 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a