Accéder au contenu principal

Sortir du déni

tableau

Des professeurs qui ne peuvent plus enseigner correctement l’histoire de la Shoah, de l’Antiquité ou certaines œuvres littéraires, dont les cours sur la liberté d’expression ou la laïcité sont contestés par certains de leurs élèves qui y voient des blasphèmes, des matières scientifiques auxquelles des élèves opposent les dogmes religieux ou les pires théories complotistes, des cours de sport ou de musique qui sont perturbés ou contournés au nom de pratiques religieuses ou en raison d’un sexisme d’un autre âge. Et des parents d’élèves qui s’immiscent de plus en plus pour contester le programme des enseignements et le fonctionnement des établissements, afin de soutenir leur progéniture contre leurs professeurs, réclamant bruyamment des sanctions disciplinaires ici, criant là à l’offense, aux discriminations, à l’islamophobie ou au racisme sur les réseaux sociaux et parfois devant de complaisantes caméras de télévision. Et n’hésitant pas à diffuser des messages haineux à l’encontre des enseignants.

De marginales, ces situations où s’expriment l’islamisme le plus décomplexé, l’antisémitisme le plus crasse, l’homophobie la plus violente se sont multipliées ces vingt dernières années jusqu’à l’impensable : l’assassinat en 2020 du professeur Samuel Paty, qui avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. Un professeur décapité parce qu’il faisait de façon consciencieuse, passionnée et bienveillante son travail : former des citoyens libres et éclairés.

Deux ans après cette tragédie, qui avait soulevé une immense émotion dans l’opinion jusqu’au sommet de l’État, la publication de deux livres de témoignages montre que la situation n’a pas suffisamment évolué et qu’il est plus urgent que jamais de sortir du déni. D’abord pour rappeler fermement les principes républicains de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité sur lesquels est bâtie notre école publique, qui doit être hermétique à toutes les pressions, à tous les dogmes, à toutes les intimidations religieuses ou politiques. Aucun accommodement, aucune transigeance n’est possible sur ces piliers universalistes.

Ensuite pour soutenir, sans tergiverser, les professeurs quand ils subissent attaques et menaces et auxquels on a trop souvent opposé le « pas de vague » quand ils dénonçaient leurs difficultés. C’est l’affaire du ministère de l’Éducation nationale de leur apporter ce soutien inconditionnel en même temps qu’une formation solide pour qu’ils puissent faire face à ces situations. Mais c’est aussi l’affaire de toute la société, parents d’élèves, citoyens, acteurs institutionnels ou associatifs qui doivent se dresser pour défendre l’école.

Mais sortir du déni c’est aussi rappeler que les difficultés rencontrées par les enseignants face à l’islamisme, si elles sont trop nombreuses, ne sont pas majoritaires, contrairement à l’instrumentalisation qu’en font certains médias d’extrême droite, et certains élus qui dévoient et déforment le principe de laïcité à des fins politiques. Le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures en matière de laïcité et dans la majorité des écoles les enseignements se font normalement et dans la sérénité.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 4 septembre 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...