Dans l’est de l’Ukraine, alors que les troupes russes subissaient de spectaculaires revers face à une contre-offensive ukrainienne qui a permis à Kiev de regagner plus de 6 000 kilomètres carrés occupés par les Russes depuis six mois, à Moscou, Vladimir Poutine inaugurait… une grande roue dans le cadre des festivités du 875e anniversaire de la fondation de la ville. Comme si de rien n’était. Pour le maître du Kremlin, tout va bien et l’ « opération militaire spéciale » qu’il a lancée le 24 février pour « dénazifier » l’Ukraine suit son cours. Elle avance « à un petit rythme » a relevé Vladimir Poutine, pas question donc de changer les objectifs initiaux. Le président russe a même averti qu’il réagirait avec plus de force si ses troupes étaient soumises à une pression supplémentaire, menaçant une nouvelle fois de recourir à l’utilisation d’armes non conventionnelles, nucléaires ou chimiques.
Mais après bientôt sept mois de conflit, ce qui devait être une opération éclair pour l’une des plus puissantes armées du monde confine au fiasco, que la propagande de Poutine peine de plus en plus à cacher. Si les opposants au président russe et à la guerre ont fait profil bas pour éviter d’être jetés en prison, des fissures commencent à apparaître et les voix critiques à devenir audibles hors des conversations familiales. Hier c’est Alla Pougatcheva, reine de la musique pop soviétique, qui a dénoncé la guerre de Poutine. Auparavant, des élus municipaux ont lancé une pétition demandant un départ de Poutine, certains médias, pourtant proches du Kremlin, commencent à exprimer des doutes sur le bien-fondé de la guerre quand des chroniqueurs – encore va-t-en-guerre il y a peu – évoquent désormais des négociations de paix à mots de moins en moins voilés. Si les interrogations prennent de l’ampleur, certains observateurs imaginent, non pas un putsch qui renverserait Vladimir Poutine, mais une révolution de palais comme celle qui était intervenue entre Boris Eltsine et – justement – Vladimir Poutine, pour peu que ce dernier obtienne des garanties quant à sa sécurité.
On n’en est évidemment pas encore là, mais l’Histoire connaît parfois des accélérations imprévues. Le charnier d’Izioum – 450 corps enterrés vraisemblablement après avoir été torturés – découvert par les soldats russes qui ont libéré la zone occupée par les Russes pendant six mois, suscite une telle indignation internationale que celle-ci a forcément atteint la Russie. Après les crimes de guerre de Boutcha, commis entre les 27 février et 31 mars 2022, voilà des exactions qui isolent un peu plus Vladimir Poutine. Les pays « amis » qu’il a rencontrés au sommet de Samarcande et dont il espérait un franc soutien l’ont d’ailleurs mis sous pression en l’appelant à mettre fin au conflit dont les répercussions ont fragilisé toutes les économies mondiales… Reste à savoir si Vladimir Poutine entendra enfin ces messages alors que l’hiver approche et pourrait geler la ligne de front.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 19 septembre 2022)