Accéder au contenu principal

Le piège des retraites

euro

Chaque automne, l’examen par le Parlement du projet de loi de finances – le budget de la Nation – pour l’année suivante est un rendez-vous politique important. C’est là que le gouvernement fixe ses priorités, détaille ses choix, sa vision de l’avenir pour le pays. C’est là aussi que députés et sénateurs se positionnent quant à leur appartenance ou non à la majorité présidentielle. Cette année est toutefois exceptionnelle car l’examen du budget intervient dans un contexte totalement inédit.

D’une part, la majorité présidentielle n’est que relative à l’Assemblée nationale, ce qui suppose pour le gouvernement d’aller chercher des voix au-delà des formations qui le composent s’il veut éviter d’avoir à utiliser l’arme du 49.3… qui peut se retourner contre lui si une motion de censure est votée. D’autre part, ce budget a été préparé dans un contexte sans précédent marqué par la guerre en Ukraine qui a avivé la crise de l’énergie et provoqué un retour de l’inflation et par une crise climatique qui impose d’accélérer la transition énergétique. Enfin ce budget 2023 doit aussi tenir compte de la sortie de la crise sanitaire pour laquelle avait été acté un salutaire « quoi qu’il en coûte », soit des dépenses massives, mais qui ont fait déraper les comptes publics, et dont il est toujours très difficile de sortir.

On mesure dès lors toute la difficulté que le gouvernement a eue pour construire un budget qui réponde à toutes ces urgences. Sur ce chemin de crête, où l'exécutif s’est montré très optimiste sur la croissance à venir, Bruno Le Maire et Gabriel Attal ont présenté hier un projet de finances marqué du sceau du en même temps macronien : « protéger les Français et aller vers le plein-emploi ». « La France est à l’euro près », a prévenu le ministre de l’Économie qui veut « tracer une ligne rouge » : qu’aucune nouvelle dépense ne soit introduite au cours du débat parlementaire si elle n’est pas financée. Une vraie gageure. Car le gouvernement, qui a tenté en vain de trouver, via ses « Dialogues de Bercy », des compromis avec des oppositions qui ne votent habituellement pas le budget, sait bien que la surenchère sera davantage de mise que la retenue.

À l’examen déjà très compliqué de ce budget vient s’ajouter une sacrée épine : la réforme des retraites, qui risque de phagocyter tous les débats en électrisant le Parlement. Imposée à l’agenda politique par Emmanuel Macron, cette réforme – dont on ne connaît par ailleurs ni le détail, ni les finalités réelles – cristallise les critiques des oppositions, la colère des syndicats et l’inquiétude voire le rejet des Français. Le chef de l’État a même réussi l’exploit d’instiller le doute au sein de sa majorité jusque chez son allié historique François Bayrou.

Le Président, qui avait promis au soir de sa réélection une nouvelle méthode de gouvernance faite de dialogue et d’horizontalité, renoue ainsi avec la verticalité abrupte et solitaire de son premier quinquennat pour préserver son ADN de « réformateur ». Passer en force ou temporiser ? S’en remettre à une analyse économique du dossier ou mesurer les conséquences politiques ? Pour Emmanuel Macron, il n’y a pas de bonne solution pour se sortir de ce piège des retraites.

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Principes et réalité

Seize mois après les manifestations historiques des agriculteurs, nées en Occitanie à l’hiver 2024 en dehors des organisations syndicales traditionnelles, voilà la colère paysanne de retour. Ce lundi, à l’appel notamment de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, et après de nombreuses actions ponctuelles ces dernières semaines, les tracteurs seront, en effet, à nouveau dans les rues pour dire l’exaspération des agriculteurs de voir les mesures promises si lentes à se mettre en place et pour rappeler l’urgence à agir aux députés, qui examinent ce lundi à l’Assemblée nationale une proposition de loi clivante lancée par le sénateur LR Laurent Duplomb. Ambitionnant de « lever les contraintes », ce texte, plébiscité par le monde agricole mais qui ulcère les défenseurs de l’environnement et les tenants d’un autre modèle agricole, propose entre autres de faciliter le stockage de l’eau, de simplifier l’extension des élevages, de réintroduire certains pesticides dont un néonicotinoïde qu...