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Vitesse et précipitation

autoroute

Évoquez l’abaissement de la limitation de vitesse sur autoroutes de 130 à 110 km/h et vous avez l’assurance d’obtenir une discussion animée en famille, entre amis ou entre collègues. C’est que dès qu’il s’agit de la « bagnole », passion française s’il en est, les esprits s’échauffent vite. Sans doute car il s’agit de l’un des sujets qui recouvrent de multiples aspects, sociétaux, sécuritaires et politiques.

Sociétaux car chacun, qu’il soit ou non titulaire du permis de conduire, a développé une relation particulière à l’automobile. Pour les uns, il s’agit d’un moyen de transport individuel et égoïste, anachronique à l’heure du dérèglement climatique et de la sobriété énergétique, et qu’il faudrait chasser des villes et remplacer par le vélo ou des transports en commun. Pour les autres, l’automobile reste le symbole de la liberté associé parfois au plaisir de la conduite et de la découverte. Pour de nombreux Français, et particulièrement ceux en zones rurales, il s’agit tout simplement du seul moyen – qui pèse de plus en plus sur leur budget – de se déplacer pour faire les courses ou se rendre au travail, faute de disposer d’alternatives.

Le débat sur l’abaissement à 110 km/h de la limitation de vitesse sur autoroute est aussi évidemment celui de la sécurité routière. La vitesse, toutes les études le montrent, est l’un des facteurs – mais pas le seul – responsable des morts sur la route. Dès lors, la réduire permet bien de faire baisser ce chiffre macabre qui brise trop de familles. Le renforcement des contraintes sur la vitesse avec les radars est efficace mais il serait d’autant plus accepté si l’on prenait aussi en compte les évolutions des infrastructures et des automobiles. Les routes d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celle des années 70 tout comme les voitures d’aujourd’hui bardées de capteurs, d’airbags et de limiteur qui aident à mieux conduire. Enfin, avant de bouleverser une limitation de vitesse connue et compréhensible de tous, il serait bon de regarder ce que font nos voisins européens entre les autoroutes sans limitations en Allemagne ou celles dont la vitesse limite varie entre l’été et l’hiver. Aux normes européennes qui s’imposent aux constructeurs pourrait ainsi répondre une homogénéité des codes de la route dans l’UE.

Mais c’est bien sûr l’aspect politique de cet épineux dossier qui pourrait in fine fixer l’avenir de la proposition récurrente de rouler à 110 km/h sur les autoroutes, qui représentent 31 % des trajets des Français. À cet égard, l’expérience récente du passage de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires va certainement inciter à la prudence. Lancée sans concertation par Edouard Philippe, cette réduction de vitesse vue comme une décision technocratique venant de Paris, a été mal vécue par les élus et incomprise par les automobilistes. La machine arrière effectuée par le gouvernement, marqué par le mouvement des Gilets jaunes, a laissé un paysage morcelé entre des départements à 80 km/h, d’autres plus rares à 90 km/h et d’autres encore avec un mix des deux limitations. Ubuesque…

À l’aube d’un automne social chaud, Emmanuel Macron qui avait été mis devant le fait accompli par Edouard Philippe, devrait cette fois appuyer sur la pédale de frein pour éviter toute précipitation sur la vitesse…

(Editorial publié dans La Dépêche du dimanche 18 septembre 2022)

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