L’entrée en vigueur de la nouvelle ristourne du gouvernement sur le prix du litre de carburant sera évidemment bien accueillie par les Français. Alors qu’en cette rentrée, l’inflation galopante flirte avec les 8 % dans l’alimentaire et pourrait atteindre 10 % d’ici la fin de l’année, le passage de 18 centimes d’euros de rabais par litre, en vigueur depuis le 1er avril, à 30 centimes en septembre et en octobre, puis à 10 centimes en novembre et en décembre, sera forcément apprécié par tous ceux qui n’ont pas d’autres solutions que de prendre leur voiture pour aller travailler, faute de disposer de transports collectifs, ce qui est particulièrement vrai dans les territoires ruraux. Cette nouvelle ristourne sera de plus abondée par Total Énergies qui consent ce geste aux Français peut-être par crainte de voir le débat sur la taxation des superprofits des pétroliers – effective en Espagne ou au Royaume-Uni – ressurgir dans le débat public en France…
Pour le gouvernement, cette ristourne est un pis-aller, fruit d’un subtil compromis avec les parlementaires Les Républicains, indispensables force d’appoint d’une majorité présidentielle relative à l’Assemblée. Peu gênés par la contradiction d’appeler de façon obsessionnelle à la maîtrise des comptes publics et de réclamer une nouvelle ristourne qui va coûter quelque 4,4 milliards d’euros à l’État, les Républicains se sont félicités d’avoir fait reculer le gouvernement, qui avait imaginé un dispositif plus ciblé mais plus complexe. À l’extinction progressive de la ristourne de 18 centimes qui profitait à tous les Français sans distinction de ressources, l’exécutif avait imaginé un dispositif de chèque carburant réservé, sous conditions de revenus, à quelque 11 millions de travailleurs modestes, salariés et indépendants. Ce mécanisme apportait un surcroît de justice sociale et une réponse au Conseil d’analyse économique, qui avait montré que la remise sur le prix à la pompe avait jusqu’à présent bénéficié deux fois plus aux ménages aisés qu’aux foyers modestes…
Reste que si cette ristourne soulagera le budget de crise des Français, elle risque bien de ne rien régler et pourrait même devenir explosive pour le gouvernement. Non seulement elle intervient avec retard dans un moment où le prix du baril a diminué, mais qu’adviendra-t-il ensuite lorsqu’elle arrivera à expiration le 1er janvier 2023, alors que la situation internationale sur le prix de l’énergie sera vraisemblablement loin d’être réglée ? Une brusque remontée des prix à la pompe pourrait susciter une grogne sociale comme celle des Gilets jaunes, dont le mouvement avait démarré en grande partie à cause du prix de l’essence…
Enfin, cette ristourne, si bénéfique soit-elle en cette rentrée, s’apparente à un trompe-l’œil qui nous enferme dans une périlleuse procrastination. Car elle repousse le moment où nous devrons faire des choix stratégiques et difficiles pour l’avenir, entre une nécessaire sobriété énergétique dont Emmanuel Macron s’est fait le chantre et le développement de nouvelles infrastructures de transports (trains, voitures électriques, etc.) qui devront être équitablement accessibles à tous les Français.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 1er septembre 2022)