Accéder au contenu principal

L'hubris et les retraites

Macron

« En grec, il y a un mot qui s’appelle hubris, c’est la malédiction des dieux. Quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, vous pensez que vous allez tout emporter. Il y a une phrase qui dit que les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre, donc il ne faut pas que nous soyons dans la cécité ». En livrant cette analyse en septembre 2018, l’ancien ministre Gérard Collomb, premier des Marcheurs, s’était irrémédiablement brouillé avec Emmanuel Macron, qui avait peu goûté les propos de son ministre de l’Intérieur. Quatre ans plus tard, François Bayrou, autre allié historique du président de la République, a fait une analyse quasi-similaire quand il a considéré que lancer sans précautions ni explications la très clivante réforme des retraites via un simple amendement au projet de loi de finance de la Sécurité sociale constituerait un inacceptable « passage en force », bien éloigné de la promesse d’une nouvelle méthode de gouvernance faite de concertation, d’écoute et de recherche du compromis. Mais avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron, tout aussi agacé soit-il, ne se séparera pas, cette fois, de son contradicteur…

Si une nouvelle modalité devait ainsi être arrêtée hier lors d’un dîner à l’Elysée avec les ministres concernés et les caciques de sa majorité, Emmanuel Macron n’entend en revanche pas renoncer à une réforme des retraites qu’il juge indispensable et urgente. Contre les réserves de sa majorité ou de ses alliés, contre les mises en garde des syndicats de salariés ou du patronat, contre l’avis des Français sondage après sondage, Emmanuel Macron, seul et jupitérien, veut « prendre son risque », selon l’une de ses expressions préférées, convaincu qu’il n’y aura de toute façon pas de bon moment pour faire cette réforme.

Le voilà prêt à affronter la rue avec un texte dont personne par ailleurs ne connaît le contenu. L’âge de départ sera-t-il reculé à 64 ans, 65 ans ? La durée de cotisation sera-t-elle allongée ? Les régimes spéciaux seront-ils supprimés ? La pénibilité et les carrières longues seront-elles mieux prises en compte ? Et à quoi serviront les économies ainsi dégagées : financer le système des retraites ou d’autres dépenses ? Mystère…

Seule certitude, on sera bien loin de la précédente réforme à points stoppée par le Covid et davantage dans une énième réforme paramétrique semblable aux précédentes. Seul point commun : le bras de fer avec les oppositions au Parlement et entre gouvernement et syndicats dans la rue.

Un premier test a lieu ce jeudi avec une mobilisation sociale organisée essentiellement par la CGT. Le gouvernement fera sans surprise le pari de la lassitude et de la fatalité. La dernière fois où des manifestations syndicales ont infléchi une position gouvernementale remonte à 2006, avec le retrait du contrat première embauche (CPE). Les syndicats espèrent au contraire une mobilisation à la hauteur du ras-le-bol qui couve, avivé par l’inflation galopante. Une mobilisation qui ferait tache d’huile comme celle des grandes grèves de 1995 contre – déjà – une réforme des retraites.

À moins que la grogne ne prenne un autre chemin. Un mois après l’alerte de Gérard Collomb sur l’hubris présidentiel naissaient les Gilets jaunes…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 29 septembre 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparation po

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu