Demain, pour des centaines de milliers de restaurateurs, le jour se lèvera enfin avec la réouverture de leurs établissements au public. Depuis l’arrivée du coronavirus et la fermeture, le 14 mars au soir, de tous les bars et restaurants du pays, en prélude au confinement instauré trois jours plus tard, le secteur de l’hôtellerie-restauration a été l’un de ceux qui ont le plus souffert des restrictions sanitaires. Et sans doute aussi l’un de ceux qui vont le plus souffrir de la récession qui vient, car tous les établissements ne pourront pas s’adapter aux nouvelles règles sanitaires de distanciation sociale. Contrairement aux grandes structures qui peuvent réaménager leurs salles ou multiplier les services, les petits restaurants ne peuvent, en effet, pousser leurs murs, et beaucoup n’auront pas l’opportunité de créer ou d’élargir leurs terrasses. La livraison de repas ou la préparation de plats à emporter, expérimentées durant la crise par certains, ne saurait être une solution pérenne. Ainsi 40 % des cafés-restaurants pourraient in fine ne jamais se relever de l’épreuve du Covid-19. Au pays de la gastronomie, on mesure l’hécatombe que constitueraient toutes ces faillites…
"Ce virus n’aime pas l’art de vivre à la française", avait résumé fin avril Emmanuel Macron en recevant en visioconférence de grands chefs étoilés et les représentants du secteur, avant d’assurer de son soutien toute la profession via un plan d’aides. Les collectivités locales, qui savent l’importance que jouent les restaurants dans l’attractivité touristique, ont aussi imaginé des plans de soutien. Ces aides sont évidemment nécessaires mais pas suffisantes, et seule une mobilisation générale de tous permettra de sauver les restaurants.
Les Français, n’en doutons pas, seront au rendez-vous. Car s’il s’agit, en retournant au restaurant, de sauver économiquement les établissements, il en va aussi de l’idée que l’on se fait de notre vie sociale. Du café crème du matin jusqu’au dîner en amoureux le soir, du déjeuner de travail au repas entre copains, du restaurant populaire de quartier à l’établissement étoilé, du café du commerce où l’on refait le monde à la grande brasserie où tout le monde défile, les cafés-restaurants font non seulement partie de notre culture nationale mais ils sont l’un des éléments irremplaçables de notre quotidien. Attendues par tous depuis des semaines, les retrouvailles, demain, entre les Français et leurs cafés-restaurants montreront bien l’attachement réciproque à cet art de vivre à la française.
(Editorial du publié dans La Dépêche du Midi du lundi 1er juin 2020)