Accéder au contenu principal

Reconquête spatiale

space x


"Là où il y a une volonté, il y a un chemin" disait Albert Camus. Sorte d’Howard Hughes du XXIe siècle ou d’incarnation du superhéros de BD "Iron man", le milliardaire américain Elon Musk – aussi fantasque que visionnaire, aussi agaçant que fascinant, aussi talentueux que présomptueux – en apportera sans doute la preuve ce soir lorsque sa capsule Dragon propulsera deux astronautes depuis cap Canaveral vers la station spatiale internationale. Le moment sera alors triplement historique et va inaugurer une véritable reconquête spatiale pour les Etats-Unis. Historique pour Space X bien sûr, cette société privée fondée par Musk en 2002 et qui dépoussière le secteur. Il n’y avait, pour s’en rendre compte, qu’à voir les deux astronautes dans leurs combinaisons high-tech se glisser dans une capsule épurée qui fait passer les modules Soyouz pour des antiquités… Elon Musk rapproche la science-fiction de la réalité et retrouve le souffle et l’enthousiasme de l’épopée spatiale des missions Apollo, il y a cinquante ans. Historique aussi pour la Nasa, l’agence spatiale américaine, qui s’ouvre à un solide partenariat avec le privé pour aller plus vite et plus loin dans des projets que son budget contraint ne le lui permettait jusqu’alors. Historique, enfin, pour les Etats-Unis qui, grâce à Space X, regagnent leur autonomie d’accès à l’espace et peuvent désormais se passer des Russes pour déployer leurs ambitions – nombreuses – dans les étoiles.

Car cette première mission Space X inaugure une nouvelle ère spatiale que Donald Trump a parfaitement cernée. Dans ce "new space", on ne compte plus seulement les acteurs historiques – les agences spatiales américaine, russe, japonaise ou européenne – mais de nouveaux venus aux dents longues : que ce soit des Etats comme la Chine ou l’Inde, ou les géants d’internet qui investissent des milliards de dollars sur de réelles innovations. Les États-Unis comme la Russie ont bien compris les dangers que représentent les nouveaux entrants, et les deux puissances pionnières entendent bien rétablir dans l’espace leur prééminence, notamment militaire. "Nous devons dominer l’espace", a martelé à plusieurs reprises le président américain depuis son élection, quitte à s’asseoir sur le Traité de l’Espace de 1967 qui stipule que l’activité spatiale ne peut être poursuivie qu’à des fins pacifiques.

Face à la privatisation et à la marchandisation rampantes qu’induit ce "new space", on entend peu l’Europe. L’ancien patron d’Airbus, Tom Enders, s’en était alarmé auprès d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel pour leur réclamer une vision spatiale claire. L’Europe n’a évidemment pas à rougir car elle a lancé de magnifiques programmes spatiaux, au premier rang desquels Ariane, et contribue à l’exploration de Mars avec des outils clés dont certains conçus à Toulouse. Mais à l’heure de cette reconquête spatiale, il lui manque sans doute l’incarnation, le souffle et le récit qu’ont su retrouver les Etats-Unis.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 30 mai 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Urgence démographique

  Présentées dans la torpeur de l’été, les statistiques démographiques de l’Insee devraient pourtant tous nous inquiéter et nous réveiller. Avec une baisse de 2,2 % du nombre quotidien de naissances moyen entre le premier semestre 2024 et celui de 2025, la France devrait atteindre une nouvelle fois son plus bas niveau depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et cela pour la quatrième année consécutive, sans que l’on perçoive la possibilité d’un retournement prochain de situation. Dans le même temps, en cumul de janvier à juin, le nombre de décès quotidien moyen est plus élevé en 2025 qu’il ne l’était un an auparavant : + 2,5 %. Implacable logique d’un solde naturel qui montre d’un côté une France qui ne fait pas assez d’enfants, de l’autre une France dont la population vieillit à grande vitesse. Au 1er janvier 2025, 21,8 % des habitants avaient au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005 ; les personnes âgées d’au moins 75 ans représentent désormais 10,7 % de la population, contre 8...