Emmanuel Macron, qui a commencé son mandat dans la cour du Louvre, sait mieux que quiconque la force des symboles. Dès lors, beaucoup ont été surpris qu’hier ce ne soit pas le chef de l’Etat en personne qui dévoile, comme il l’avait fait pour l’automobile, le plan de soutien à la filière aéronautique – l’une des plus sinistrées par l’épidémie du coronavirus. Et d’autres ont été déçus, de surcroît, que la présentation de ce plan se fasse à Paris plutôt qu’en Occitanie, épicentre de l’aéronautique européenne dont Toulouse est fière d’être la capitale…
Si, sur la forme, le symbole a d’évidence été loupé, sur le fond, en revanche, le plan de soutien semble être à la hauteur avec 15 milliards d’euros mobilisés, même s’il convient de souligner que 7 milliards iront au soutien d’Air France et que 3,5 milliards sont des garanties export à rembourser plus tard par les compagnies aériennes… Le soutien reste cependant massif – comme pour l’automobile (8 milliards d’euros) ou le tourisme (18 milliards) – qui atteste que le gouvernement a pris à rebours le leitmotiv d’Emmanuel Macron : on passe ainsi de "libérer, protéger" à "protéger, libérer".
Protéger d’abord les emplois : c’est la priorité absolue, l’urgence même quand on sait que sans une intervention rapide de l’Etat 100 000 postes du secteur, a minima, se seraient retrouvés menacés de disparition, un tiers de l’effectif total. Aider les grands groupes comme leurs PME sous-traitantes relevait donc du bon sens, surtout si l’on mesure combien les salariés de l’aéronautique contribuent, particulièrement à Toulouse et dans plusieurs villes d’Occitanie, à l’économie locale et tout simplement à la vie locale. Lancer un fonds d’investissement de 500 millions d’euros, piloté par quatre grands groupes industriels – Airbus, Safran, Dassault et Thales – afin de préserver les savoir-faire de la filière française et d’améliorer la compétitivité des PME, est aussi une bonne chose.
Protéger donc, mais libérer aussi. Libérer les initiatives, les projets, les accélérer même et en faire une contrepartie aux aides reçues de l’Etat. Car il s’agit pour l’aéronautique française et européenne de se projeter très rapidement dans le monde aérien d’après en mobilisant sa recherche pour inventer l’avion de demain. Un avion plus écologique, plus sobre pour répondre au défi de la décarbonation du trafic aérien mondial et contrecarrer aussi les ambitions de la Chine et des Etats-Unis.
La pandémie, comme l’assure Emmanuel Macron, est "une opportunité historique de reconstruire notre économie et notre société sur de nouvelles bases". Pour l’aéronautique, elle peut agir comme un touch-and-go : après avoir été plaquée à terre, la filière doit préparer le redécollage…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 10 juin 2020)