La pandémie de Covid-19 et particulièrement les périodes de confinements ont conduit de nombreux Français à se lancer dans un projet immobilier ou à chercher à concrétiser celui qui nourrissait une réflexion depuis parfois des années. Partir d’un logement devenu trop étroit en centre-ville pour une maison avec un jardin, quitte à s’éloigner un peu vers la campagne, voilà ce à quoi aspiraient nombre de Français. Les taux d’intérêt bas et la reprise économique post-Covid constituaient le cadre idéal pour réaliser enfin ce rêve de devenir propriétaire. C’était sans compter sur la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques en cascade : le retour d’une inflation galopante et la hausse des taux d’intérêt. À cette situation moins avantageuse, mais pas bloquante, s’est alors ajouté un bouleversement supplémentaire : le taux d’usure, censé protéger les consommateurs, est devenu un frein à leurs projets immobiliers.
Ce taux d’usure - qui correspond au taux annuel effectif global (TAEG) maximal au-delà duquel une banque ne peut prêter de l’argent - est jugé trop faible et ne reflétant plus la réalité du marché par les banques, qui souhaitent continuer à gagner de l’argent. Dès lors, des dossiers qui seraient passés sans problème il y a un an sont aujourd’hui retoqués, l’exclusion des crédits immobiliers touchant non seulement des familles modestes et moyennes mais aussi parfois des ménages aux revenus pourtant confortables. Le taux d’usure est ainsi à l’origine de 45 % des refus de dossiers de prêts immobiliers depuis janvier 2022, selon un sondage Opinion Way commandé par l’Association Française des Intermédiaires en Bancassurance (Afib). Le taux d’usure étant fixé par la banque de France chaque trimestre, il ne reste plus à espérer pour les candidats au crédit qu’une révision suffisante intervienne le 1er octobre pour débloquer leur dossier.
Sans attendre cette échéance, de nombreux acteurs du crédit et du logement ont tiré la sonnette d’alarme. Les courtiers en crédit alertent depuis plusieurs semaines sur les rejets de demandes de prêts ; l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) déplore que « seuls les ménages bénéficiant des taux les plus bas peuvent espérer accéder actuellement à un prêt » ; et le président du Crédit social des fonctionnaires (CSF), Jean-Marie Alexandre, estimant que « le marché immobilier fonctionne avec les clientèles les plus aisées, au détriment des ménages plus modestes », a appelé à « retirer les frais d’assurance emprunteur du calcul du taux d’usure » sans remettre en cause le taux d’usure.
Ces alertes, ces propositions devraient en tout cas nourrir les réunions organisées par Bercy avec la Banque de France, les prêteurs et les associations de consommateurs. Le gouvernement, après leur avoir demandé un effort sur les frais, devrait solliciter des banques « un petit geste » pour qu’elles ralentissent la hausse des taux du crédit immobilier. Il pourrait aussi leur rappeler que lors d’une autre crise, celle des subprimes en 2008, l’État - donc tous les Français - a été au rendez-vous pour soutenir largement les banques quand elles rencontraient des difficultés. Il est aujourd’hui de leur responsabilité de lever les blocages.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 31 août 2022)