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Des files de voitures qui roulent en pleine nuit et en toute urgence pour fuir un incendie qui menace et dont on voit au loin les flammes. Des habitants ou des touristes hébétés qui doivent tout quitter en cinq minutes, résidence principale, caravane ou tente de camping. Ces images-là, spectaculaires et angoissantes, ne nous sont hélas pas étrangères car nous les avons souvent vues à la télévision, notamment en provenance des États-Unis, de l’Australie, de la Turquie ou de la Grèce lorsque ces pays ont été confrontés à des mégafeux incontrôlables. La France à son tour se trouve face à ce type nouveau d’incendies dont on a pu voir un exemple en juillet à la Teste-de-Buch en Gironde.
Le feu qui s’est déclaré entre la Lozère et l’Aveyron, lundi soir, et qui a conduit à l’évacuation de quelque 3 000 personnes de Mostuéjouls et Rivière-sur-Tarn est, certes, sans commune mesure avec ceux qu’ont pu vivre les habitants de Californie ou de l’île grecque d’Eubée, mais il s’ajoute à une longue série estivale qui fait que, cette année, la France a connu un record de surfaces incendiées, avec quelque 47 000 hectares brûlés selon le Système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS).
Cette situation devrait s’accentuer dans les années à venir selon un rapport sénatorial « Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement » remis le 3 août dernier. Dans ce document, fruit d’un remarquable travail, les sénateurs indiquent que « le développement de feux hors normes met à mal la stratégie française de lutte contre les incendies » car d’ici 2050, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 %, près de 50 % des landes et forêts de métropole pourraient être concernées par un risque élevé de feu (contre un tiers en 2010), et la période à risque fort devrait être trois fois plus longue avec une multiplication de feux hivernaux.
Face à cette nouvelle donne, il ne convient pas de s’habituer mais bien de s’adapter. Il faut une mobilisation générale et transversale impliquant tous les acteurs pour revoir, corriger et renforcer nos dispositifs pour les adapter au changement climatique et ses conséquences. De la gestion de nos forêts, privées à 75 %, qui couvrent 31 % du territoire et dont certaines dépendent d’un statut remontant au Moyen-Âge, jusqu’au renforcement des effectifs et des moyens de l’Office national des forêts (ONF) et des sapeurs-pompiers, en passant par des actions fortes pour renforcer les objectifs de débroussaillage ou pour insister sur la prévention – qui sait comment on prépare son kit d’urgence préconisé par la Sécurité civile ? – le Sénat a proposé 70 mesures. Des propositions pour pouvoir gagner une « guerre du feu » qui ne doit pas être une fatalité, mais bien l’opportunité d’une profonde remise à plat.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 10 août 2022)