Une surface de forêts brûlées – 60 000 hectares au 15 août – parmi les plus importantes depuis 1976, des feux d’une intensité rarement vue, avivés par une sécheresse historique, un mois de juillet parmi les plus secs depuis 1959, et maintenant des épisodes orageux et des phénomènes cévenols particulièrement violents en Corse comme en métropole. S’il fallait faire la démonstration que le changement climatique est à l’œuvre et qu’il ne concerne plus seulement des contrées lointaines – chacun se rappelle des mégafeux de Californie ou de Grèce – mais bel et bien des paysages, des lieux familiers qui nous sont chers et tous ceux qui y vivent, les événements de cet été 2022 sont là. Face à cette situation inédite, il convient de répondre d’abord à l’urgence, mais aussi de réfléchir au long terme en apportant les bonnes réponses, réponses en premier lieu politiques.
Pour Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, qui tous deux se sont déplacés en Gironde, théâtre de gigantesques incendies, il y a là un agenda climatique qui devrait supplanter les autres rendez-vous de la rentrée, qui apparaissent secondaires. Que valent, en effet, un énième débat clivant sur l’immigration ou les rodéos urbains – là où il suffit d’appliquer les lois existantes en donnant suffisamment de moyens aux forces de l’ordre et aux magistrats – quand le cadre de vie de milliers de Français est déjà bouleversé ou menacé par des incendies, des inondations ou autres conséquences du dérèglement du climat ? Que valent des réformes controversées comme celle des retraites – inutile selon le Conseil d’orientation des retraites – ou du RSA, ou la création du nébuleux Conseil national de la refondation, quand l’ampleur de la tâche pour mettre en place la transition écologique nécessitera toutes les énergies de la société ?
D’ores et déjà il faut agir à court et long termes. Le court terme c’est, comme l’a rappelé Elisabeth Borne à Hostens le 11 août, muscler les moyens des pompiers, en matériels comme en effectifs. Ce renforcement doit aussi s’inscrire dans un cadre européen puisque toute l’Europe est touchée par des incendies ou des phénomènes météorologiques d’ampleur. Et, on l’a vu récemment, la solidarité européenne qui n’est pas un vain mot, fonctionne bien et pourrait être renforcée.
Le long terme, concernant la forêt, c’est imaginer une autre façon de la gérer et de la préparer à la hausse inéluctable des températures. Emmanuel Macron a raison de dire qu’il s’agit d’un « grand chantier national » car il engage non seulement le renouvellement des bois partis en fumée mais plus généralement la façon dont on pense l’aménagement du territoire, entre urbanisation et artificialisation des sols. Là aussi, il faudra des moyens, notamment pour l’ONF – qui a pâti de bien trop de suppressions d’agents – mais aussi de nouvelles méthodes de concertation avec les élus locaux, les agriculteurs, les habitants, etc.
À l’entame de son second quinquennat, Emmanuel Macron a, d’évidence, l’opportunité de préparer le pays non pas au quinquennat d’après, mais bien aux décennies futures en opérant dès aujourd’hui des choix environnementaux courageux.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 21 août 2022)