La simple consultation de la presse régionale l’atteste : les rodéos urbains sont loin d’avoir été stoppés. Ce week-end, dans le Doubs, un jeune conducteur sous le coup d’une annulation du permis de conduire, a été interpellé par les policiers en plein rodéo urbain au volant d’une grosse cylindrée louée en Suisse. Fin juillet, la brigade motorisée de la direction départementale de la sécurité publique de Bastia a arrêté un homme réalisant des rodéos urbains sur la RT11. Fin juillet toujours, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Versailles (Yvelines) et Pont-Sainte-Maxence (Oise) des rodéos ont été constatés à l’issue de cérémonies de mariage… Et à Toulouse ce sont trois jeunes hommes adeptes des rodéos qui ont été interpellés au guidon de leur moto.
Certes, différents types de comportements sont résumés sous le vocable de « rodéo » : il y a les passionnés d’automobile et de tuning qui se réunissent sur des parkings pour faire des drifts et faire fumer leurs pneus, ceux qui se rêvent héritiers de James Dean et se lancent avec fureur dans des courses à grande vitesse au mépris de toutes les règles de sécurité, ou ceux qui font pétarader leur moto ou leur quad dans les rues de leurs quartiers. Mais toutes ces manifestations – entre passion et provocation, exutoire et transgression – partagent un point commun : leur illégalité, le quotidien infernal qu’elles font souvent vivre aux riverains et le danger qu’elles représentent, toujours, pour les autres usagers de la route…
La loi votée en 2008 pour « renforcer la lutte contre les rodéos motorisés », a bien constitué un premier pas en augmentant notamment les sanctions pour les participants comme pour les organisateurs. Un premier pas assurément nécessaire, mais encore insuffisant. L’an dernier, une mission d’information parlementaire chargée d’évaluer la loi a bien fait des propositions pour renforcer les contrôles, la confiscation des engins ou l’utilisation de drone. Mais pour les forces de l’ordre, qui ne vont pas au contact lorsqu’un rodéo est en cours, notamment pour éviter que ne surviennent des accidents, ou pour les maires qui font face à l’exaspération de leurs administrés, agir contre les rodéos reste encore très compliqué.
Trois ans après cette loi, peut-être faudra-t-il élargir la focale pour prendre le problème dans toutes ses dimensions : juridique, de sécurité routière mais aussi sociétale. La sortie d’un film, « Rodeo » le 7 septembre, est l’occasion d’aborder cette dernière. Au-delà des propos chocs de sa réalisatrice, ce long-métrage explore tout un univers de culture urbaine et mécanique qui s’est développé notamment dans les quartiers de banlieues. Des banlieues et une jeunesse qui sont toujours en souffrance et en déficit de structures culturelles ou sportives. Le plan Borloo sur les banlieues en 2018 avait laissé espérer un vrai changement… avant qu’Emmanuel Macron ne l’enterre à peine publié. Trois ans après, les problématiques restent entières. Le nouveau ministre de la ville, Olivier Klein, issu des quartiers populaires a dès lors l’occasion d’ouvrir une nouvelle page et d’envoyer les bons signaux.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 3 août 2022)