Pour Emmanuel Macron et ses Premiers ministres successifs, les étés sont tout sauf calmes. On se souvient de l’affaire Benalla qui éclata en 2018 ou de la nouvelle vague de Covid-19 au début du mandat de Jean Castex à l’été 2020. Cette année, Elisabeth Borne doit faire face à un nouveau dossier sensible qui représente pour elle une « épreuve du feu », au sens littéral, puisqu’il s’agit des incendies de forêts.
La sécheresse historique qui frappe la France, la pénurie d’eau, les vagues de chaleurs caniculaires qui écrasent le pays, toutes conséquences bien concrètes du réchauffement climatique, ont favorisé la multiplication des incendies cet été sur tout le territoire. Plus de 55 000 hectares ont d’ores et déjà brûlé – un record – et des milliers de personnes, habitants ou vacanciers, ont été évacués en urgence, parfois de nuit, face à des feux géants contre lesquels les pompiers luttent de toutes leurs forces mais avec quelquefois un manque de moyens.
Un manque de moyens justement pointé par un rapport sénatorial tombé au plus mauvais moment pour l’exécutif. Intitulé « Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement », ce document émet 70 propositions fortes pour prévenir les feux de forêts, lutter contre eux lorsqu’ils surviennent et gérer différemment la forêt ensuite. Parmi les mesures préconisées, celle de « revenir sur les 500 suppressions de postes de l’Office national des forêts prévues d’ici à 2025 – alors que l’ONF, qui n’a plus de directeur depuis quatre mois, a déjà vu 5 000 postes supprimés depuis 20 ans – ou encore d’ « atteindre d’ici 2027 l’objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires. »
Des points sur lesquels l’exécutif ne veut pas être accusé d’avoir manqué d’anticipation, comme le disent plusieurs élus écologistes. Depuis le fort de Brégançon, Emmanuel Macron, jusqu’ici silencieux, a ainsi tweeté hier pour se féliciter de voir la solidarité européenne à l’œuvre dans son envoi de moyens à la France, saluer les pompiers engagés – « nos héros » – et promettre que « personne ne sera oublié » parmi les habitants sinistrés. De son côté, Elisabeth Borne, qui s’est déplacée en Gironde avec Gérald Darmanin, a répondu aux critiques concernant le manque de moyens aériens, promis « un nouveau plan national d’adaptation » au dérèglement climatique qui « sera mis en concertation à la rentrée », un « renforcement de nos moyens de sécurité civile » lui aussi attendu à la rentrée dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur et une réflexion sur « la façon de gérer nos forêts demain », chantier de très longue haleine, complexe mais vital pour la forêt française.
Si elle sera considérée comme bien trop tardive par les experts, les syndicats ou les associations qui alertent depuis longtemps sur tous ces sujets, la prise de conscience de l’exécutif est heureuse, à condition qu’elle débouche sur des mesures fortes à la hauteur des enjeux. À l’heure où les Français voient concrètement les conséquences du changement climatique sur leur vie quotidienne, Emmanuel Macron, qui a beaucoup déçu sur l’écologie durant son premier quinquennat, et Elisabeth Borne, Première ministre chargée d’une planification écologique inédite, n’ont pas droit à l’erreur…
(Editorial publié dans La Dépêche du vendredi 12 août 2022)