Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Ce vieil adage politique français s’applique bien au-delà de nos frontières et notamment en Afghanistan où les promesses de changement des talibans, revenus au pouvoir il y a un an tout juste, ont fait long feu. Mais qui pouvait croire sincèrement que ces fondamentalistes islamistes, regroupés dans une organisation militaire, politique et religieuse, qui furent au pouvoir entre 1996 et 2001 avant d’en être chassés par les Américains, pouvaient changer et adopter les standards de nos démocraties libérales en matière de respect des droits de l’Homme ? Comment imaginer qu’un régime religieux fondé sur la charia, et les interdits de toutes sortes qui régentent jusqu’aux moindres détails de la vie quotidienne - imposant là le port de la barbe, interdisant ici la musique, excluant les femmes de toute vie sociale - allait devenir un partenaire comme un autre ? Comment penser un seul instant que les talibans, organisation classée terroriste, avaient rompu avec leurs vieux démons, le combat jihadiste, la protection de terroristes - comme Ayman al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaïda et cerveau des attentats du 11 septembre 2001, récemment tué par un drone américain à Kaboul - et finalement la lutte contre l’Occident ?
Après le retrait précipité et chaotique - pour ne pas dire catastrophique - des Américains l’année dernière, les talibans ont finalement renoué avec les pratiques obscurantistes qui étaient les leurs durant les cinq ans où ils avaient été au pouvoir, instillant la terreur partout et affichant leur incompétence à endiguer la pauvreté et la maladie. Certes, la détresse économique de l’Afghanistan a commencé bien avant leur retour au pouvoir, mais les actions de leur part manquent pour faire face à une crise humanitaire exacerbée par la sécheresse et la hausse des prix depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Enfin, dans ce sombre tableau qui s’ajoute à des décennies de malheur, entre occupation soviétique et guerre civile, le sort des femmes doit nous alerter et nous mobiliser. Alors que les talibans avaient assuré à Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, qu’ils respecteraient leurs obligations en matière de droits humains, dans la mesure où elles étaient conformes à la charia islamique, l’ONU ne peut que constater une « oppression institutionnalisée et systématique » des femmes et des filles. Restrictions de la liberté de mouvement, d’habillement, fermetures d’entreprises détenues et gérées par des femmes, augmentation des violences domestiques et du harcèlement et, surtout, arrêt de la scolarité secondaire pour 1,2 million de filles.
Face à ces discriminations insupportables, les femmes résistent vaillamment, se retrouvent clandestinement, essaient de continuer à travailler malgré les contraintes étouffantes et de permettre à leurs filles de suivre un enseignement. Les plus engagées manifestent pour leurs droits au risque d’une répression implacable qui use de balles réelles.
Aujourd’hui, plus que jamais, leur courage nous oblige, car les femmes afghanes sont les visages de la liberté.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 15 août 2022)
Photo : Des femmes et des filles afghanes manifestent devant le ministère de l'Education à Kaboul le 26 mars 2022. (AHMAD SAHEL ARMAN / AFP)