Accéder au contenu principal

Réaliser un rêve

 

boom

L’année prochaine, cela fera vingt ans, que l’exploitation commerciale du Concorde aura été arrêtée, fragilisé qu’il était alors à la suite du crash survenu à Gonesse le 25 juillet 2000. Le drame avait provoqué la mort de 113 personnes et signé le début de la fin pour le seul avion supersonique civil. Vingt ans après, le Concorde, pourtant, fascine toujours autant. Sa ligne est devenue une icône intemporelle du design, son allure, le symbole de la modernité, sa technologie, celle d’une industrie résolument innovante, son histoire, celle d’une France – et d’une Grande Bretagne – qui croyait au progrès technique et savait tirer le meilleur de ses ingénieurs pour viser l’excellence. Le Concorde fait partie de l’histoire de l’aéronautique et son nom figure dans la longue liste des avions de légende du Spirit of Saint-Louis de Charles Lindberg au P38 d’Antoine de Saint-Exupéry.

Pas étonnant dès lors que d’Aeroscopia, à Toulouse, où un exemplaire est exposé, aux diverses ventes aux enchères de pièces détachées qui se tiennent régulièrement, la nostalgie Concorde ne se dément pas et semble inépuisable. Elle fait vibrer la fierté nationale car l’avion représente toujours la France à l’étranger. Le clip promotionnel des prochains Jeux Olympiques de Paris de 2024 ne comporte-t-il pas des images d’un Concorde au décollage ?

L’idée de donner un successeur à cet avion mythique taraude de nombreux passionnés partout dans le monde, mais à la difficulté technique de concevoir un avion supersonique s’ajoutent les nouvelles contraintes environnementales et sociétales. Un tel avion est-il finalement pertinent et bien raisonnable à l’heure de la sobriété énergétique et des critiques virulentes contre les jets de l’aviation d’affaire qui émettent de colossales quantités de CO2 rapportés au nombre des riches passagers ? Et à quoi bon se déplacer si rapidement dans un monde post-Covid qui a montré que le télétravail et les visioconférences pouvaient remplacer de coûteux voyages ? Un tel avion, forcément réservé à une petite poignée de privilégiés fortunés, est-il enfin utile pour un secteur aéronautique qui se remet à peine de la chute du trafic dû à deux années de pandémie et qui doit se concentrer sur la meilleure façon de répondre aux besoins du plus grand nombre ?

Le défi est donc d’autant plus grand pour toutes les sociétés qui ont voulu se lancer dans la conception d’un nouveau supersonique plus sûr, plus économe, plus « vert ». Beaucoup de ces start-up ont jeté l’éponge y compris celles qui avaient le soutien d’acteurs majeurs de l’aéronautique comme l’américain Aerion corporation qui avait l’appui de Boeing.

Aujourd’hui, le projet de Boom Supersonic semble le plus solide pour ne pas dire le seul. Son Overture, dont le design définitif a été présenté le 19 juillet au salon de Farnborough, évoque d’ailleurs le Concorde. « 707… 747… Concorde… Overture. Le prochain avion emblématique » s’est enthousiasmé le PDG de Boom, Blake Scholl, qui a bien compris que derrière toutes les questions économiques ou écologiques il y a dans son projet une part de rêve. Comme Saint-Exupéry, il ne veut pas essayer de prévoir l’avenir mais bien de le rendre possible.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 8 août 2022)


Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...