Accéder au contenu principal

Un combat permanent

pancarte

Des pancartes qui reprennent le nouveau slogan préféré des antisémites, « Qui ? », entouré sur l’une par les noms de personnalités publiques juives ou supposées l’être, des étoiles jaunes bariolées de la mention « non-vaccinés » arborées sur les poitrines de manifestants, des cris haineux « collabo » lancés, entre autres, à des pharmacies pratiquant des tests PCR ou à des journalistes physiquement agressés pour certains, des slogans « dictature sanitaire » dans lesquels le « s » est remplacé par le graphisme des « SS » des nazis, Emmanuel Macron affublé d’une moustache comme Adolf Hitler ou sous les traits du maréchal Pétain, et jusqu’au détournement de la photo du portail d’entrée du camp de concentration d’Auschwitz où l’inscription originale « Arbeit macht frei » a été remplacée par « le pass sanitaire rend libre. » 

Ces images écœurantes, vues par les Français à la télévision ou sur les réseaux sociaux, à l’occasion des manifestations anti-pass sanitaire – et en 2018-2019 dans certains cortèges des Gilets jaunes – ont légitimement révulsé tout républicain digne de ce nom et donné la nausée aux descendants des victimes de la Shoah ou à nos compatriotes de confession juive. La condamnation de ces slogans jusqu’au sommet de l’Etat a été évidemment la bienvenue et l’on attend maintenant que les poursuites judiciaires qui ont été engagées à plusieurs reprises aboutissent à de sévères condamnations car, faut-il le rappeler, l’antisémitisme et le racisme ne sont pas des opinions mais des délits.

Au-delà, l’émergence ou la persistance de ces slogans antisémites doivent nous interroger. Comment peut-on, en 2021, faire un lien entre l’outil provisoire de lutte contre une épidémie que constitue un pass sanitaire – que tout un chacun peut obtenir par le vaccin, des tests réguliers ou un certificat de rémission de la Covid-19 – et un symbole de l’ignominie nazie qui discriminait des personnes, non pas pour ce qu’elles faisaient, mais pour ce qu’elles étaient, dans le but ultime d’être déportées et tuées pour nombre d’entre elles ? Pourquoi établir un lien entre des contraintes sanitaires, votées par le Parlement et validées par le Conseil constitutionnel, et des faits remontant à la Seconde Guerre mondiale ? Et comment expliquer que ces slogans antisémites, qui sont le fait d’une minorité dans les rangs des manifestants, n’aient pas été davantage et explicitement condamnés par tous ceux qui marchaient à leur côté ?

Par envie de choquer en faisant référence à un épisode de l’Histoire mondiale qui a le plus marqué l’Humanité ? En raison d’une méconnaissance totale des faits historiques de cette période ? Par idéologie pour certains, qui voient dans les manifestations l’occasion de cracher leur haine anti-Juifs ? Ou par la conviction que ces slogans relèvent de la liberté d’expression ?

L’utilisation de ces mots résulte sans doute un peu de tout cela et créé un dangereux « antisémitisme d’atmosphère » selon l’expression de l’historien Jean Garrigues. Un antisémitisme qui se nourrit de la crise que traverse notre société et se renforce sur les réseaux sociaux avec les vieilles théories complotistes véhiculées sur le lobby juif mondial qui contrôlerait le pouvoir économique, politique et médiatique. Un antisémitisme qui doit faire l’objet d’un combat permanent, aujourd’hui comme hier lorsque Bertold Brecht nous disait, dans La résistible ascension d’Arturo Ui : « Vous, apprenez à voir, plutôt que de rester les yeux ronds… Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ».

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 21 août 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...