L’ampleur des chiffres du coût social du bruit en France, révélé fin juillet par une nouvelle étude conduite conjointement par le Conseil national du bruit (CNB) et par l’Ademe (Agence de la transition écologique), aurait dû créer un électrochoc. 155,7 milliards d’euros, c’est plus que les budgets de l’Education nationale et des Armées réunis, plus que le Plan de Relance post-Covid, l’équivalent de 420 Airbus A350… Et pourtant, ce coût social, c’est-à-dire les effets sanitaires induits par le bruit (gêne, perturbations du sommeil, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, troubles de la santé mentale, difficultés d’apprentissage, médication, hospitalisation, maladies et accidents professionnels…) et les effets non sanitaires (pertes de productivité et dépréciation immobilière…) est quasiment passé inaperçu en dépit de sa progression. Entre 2016, date du précédent rapport et 2021, le coût social annuel a bondi de plus de 98,3 milliards d’euros. Certes, le périmètre a été élargi, les mesures affinées, mais cette hausse spectaculaire doit nous interroger et, surtout, déclencher la prise de conscience qui nous permettra d’agir.
Car le bruit n’est pas une fatalité ; des solutions existent pour en limiter les nuisances et les conséquences, notamment en agissant sur les trois domaines responsables du coût social : les transports, le voisinage et le travail. La réduction de la vitesse sur les voies rapides, la création de Zone à Faibles Emissions et la diminution du trafic, l’amélioration de la qualité acoustique des bâtiments (en lien avec l’enjeu de rénovation globale) incluant ceux d’enseignement pour traiter notamment le bruit en milieu scolaire, la réduction des émissions (sonores et pollution) des chantiers de construction et de démolition en milieu urbain sont quelques-unes des pistes lancées par le CNR et l’Ademe.
À ces pistes qui bousculent les habitudes on peut également ajouter l’innovation technique qui peut permettre de diminuer les nuisances. Cela passe par exemple par de nouveaux enrobés routiers : depuis 2020, le Cerema accompagne Limoges Métropole et Colas pour l’évaluation des performances acoustiques d’un enrobé intégrant du liège. Cela passe aussi par la mesure du bruit, par exemple avec des bornes indiquant quand le bruit d’un open space en entreprise est trop élevé. Et cela passe aussi par des réglementations comme la limitation du volume sonore des casques audio ou les décibels émis lors de concerts.
Au final, c’est bien une culture de la gestion du bruit qu’il convient de développer, sur laquelle tout le monde devrait pouvoir s’entendre…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 3 août 2021)